mardi 25 novembre 2008
"Plus un pas en arrière!"
Nous venons de traverser un quart de siècle de défaites pour la gauche, pour le mouvement révolutionnaire, pour les travailleurs, pour les peuples ; L’impérialisme a tout balayé , enfoncé les défenses ou les murs qui semblaient les plus solides, emporté des partis communistes entiers comme en Italie, remis en causes des conquêtes populaires qui semblaient définitivement acquises. 25 années terribles pendant lesquelles le libéralisme a semblé irrésistible, le capitalisme l’horizon indépassable de l’humanité.
Mais, pour la Gauche, si nous reculions ce n’était pas dû à la force de l’adversaire : c’est que nous nous trompions; bref qu’il nous fallait toujours plus nous adapter à la nouvelle domination, chercher toujours plus en nous même les raisons de nos échecs. Nous étions comme ces premiers chrétiens, cités par Domenico Losurdo, qui après la chute de Jérusalem et l’échec de la révolte nationale juive, déclaraient non seulement leur étrangeté radicale au mouvement national vaincu, mais plus encore, refusaient d’expliquer la défaite par la force irrésistible du pouvoir impérial romain et en faisait reposer la faute sur les vaincus eux-mêmes, coupables d’avoir trahis ou mal interprétés le message divin.
Si nous avons dû céder devant l’offensive du libéralisme, nos principales défaites auront été nos propres renoncements. « D’avancées » en « mutation »/liquidation, de proposition de « révolution copernicienne » en « métamorphose », ce n’était plus le capitalisme qui avait gagné par la puissance de son offensive, mais nous qui étions trop communistes, trop nostalgiques, trop étatistes, pas assez modernes, trop ouvriériste. Et donc il ne fallait pas combattre l’impérialisme, mais « s’appuyer sur les aspects positifs de la mondialisation », ne pas critiquer radicalement la construction impérialiste européenne, mais progressivement en changer le contenu, ne plus défendre les nationalisations, même démocratisées, mais affirmer que l’ouverture du capital de la Snecma est une avancée vers le communisme (on l’a dit!). Pendant ce sinistre quart de siècle, si nous ne sommes pas tous rendus, nous avons tous dû céder du terrain.
Et patatras ! Encore une fois l’histoire et ses ruses nous a pris à contre-pied.
Alors que nous vivons une crise du mode de régulation capitaliste, sans précédente depuis 1929, il n’y aurait toujours rien de plus urgent que de liquider ce qui reste du courant communistes, de démanteler les dernières casemates qui font qu’en France, par exemple, le capitalisme n’a pas tout emporté (et que pour le moment nous soyons un peu moins touché par la crise)? Cette position n’a plus de sens, quand ce sont les ultras libéraux qui prônent des nationalisations qui laisse le président Chavez à l’extrême droite de Paulson et Georges Bush, quand les mêmes signent le retour de la régulation économique par l’Etat et fixent des conditions drastiques aux banques pour soutenir l’activité par le crédit.
Nous ne pouvons plus continuer dans la voie du renoncement. Aujourd’hui ce n’est pas le communisme qui est en crise, c’est le capitalisme, et il est temps d’affirmer : "Plus un pas en arrière!"
Il faut réaffirmer ce que ne nous voulons. Nous ne sommes pas les anti-capitalistes, nous sommes les communistes. Nous devons réaffirmer ce que nous sommes, un parti qui dans le combat de classe est le plus résolument du côté des travailleurs. Un parti qui est l’instrument, comme disait Marx, qui permette au prolétariat de se constituer en classe. Un parti qui mène le combat pour la paix, et pas complaisant (parfois) envers les agressions impérialistes en Afghanistan, en ex Yougoslavie, en Irak… Un parti qui n’oublie pas ce que veut dire les mots de "solidarité internationale", qui n’oublie pas que pendant que s’effondrait nos certitudes et nos citadelles « socialiste », Cuba continuait de tenir, dans les pires difficultés, le drapeaux de la lutte contre l’empire, le drapeaux de la liberté des peuples en Amérique Latine et dans le tiers monde. Les peuples du Venezuela, de Bolivie, d’équateur, mas aussi d’argentine, du Chili, dans leur marche pour la libération du continent, reconnaissent leur dette envers la révolution cubaine et Fidel.
Un parti dont le but est donner le pouvoir aux classes exploitées et dominées, pas de leur confisquer, un parti qui propose la vrai démocratie : le pouvoir réel du peuple pas celui de l’oligarchie. Un parti qui réaffirme la perspective du socialisme comme issu à la décomposition de la société capitaliste. On ne revient jamais en arrière, et, même si nous le souhaitions, nous ne pouvons pas revenir du socialisme du 20ème siècle, qui n’est plus. Il nous faut inventer le « socialisme du 21ème siècle». Alors bien sur il nous faudra tâtonner, allier propositions concrètes fronts de luttes immédiates et construction d’alternative. Notre réalisme est de savoir que c’est possible, même si cela sera différent de ce que nous avons pu imaginé.
Nous ne savons même pas si la victoire est une perspective. Mais nous ne pouvons plus reculer.
Plus un pas en arrière!
Caius Gracchus
Image : Jacques-Louis David (1748–1825), Leonidas au Thermopyles, dessins. (40.6 x 54.9 cm), Metropolitan Museum, Rogers Fund, New York.
mercredi 19 novembre 2008
Les musées italiens en dangers
Décidemment le mot d'ordre du gouvernement Berlusconi semble bien après les attaques contre l'enseignement et la recherche : "Guerre à l'intelligence"! un article vu sur le site de la tribune de l'Art :
"[...]Le ministre des biens culturels italiens, Sandro Bondi souhaite mettre en œuvre une nouvelle politique dès le début de l'année prochaine. Au premier chef, il s'agira de louer des œuvres « en Amérique et dans les pays du Golfe » . Alain Elkann, un conseiller du ministre qui est allé il y a un mois faire un tour des Etats-Unis où il a rencontré onze musées, en parfait représentant placier, a ainsi déclaré : « Le modèle est le Louvre, qui en plus de prêter une partie de sa collection à Abou Dhabi a passé avec un musée d'Atlanta en Georgie un accord qui apportera à l'institution parisienne 6 millions de dollars1. »
Pour mener à bien le « plan pour les musées et les sites archéologiques », un « Super manager » (sic !) des musées, qui aura les pleins pouvoirs, vient d'être nommé par le ministre, sans qu'aucun appel à candidature n'ait même été passé.
L'heureux lauréat (ill.) est Mario Resca, 62 ans, un ami de Silvio Berlusconi, numéro 1 de McDonald Italie (oui, la fabrique de hamburgers) jusqu'en 2007 et qui dirigeait depuis un casino. Il n'a, bien sûr, aucune connaissance ni expérience des musées ou de l'histoire de l'art. Cela ne lui pose aucun problème puisqu'il a déclaré à la Reppublica qu'il ne connaissait rien à la restauration avant de prendre la tête de McDonald's ! Il estime également que les œuvres des musées sont « un gisement de pétrole à coût zéro » et qu'il aura pour rôle de « valoriser [cette] richesse2. »
Cette nomination fait évidemment scandale au delà des Alpes. L'association Ranuccio Bianchi Bandinelli, institut d'étude, de recherche et de formation fondé par Giulio Carlo Argan, a décidé de lancer un appel auprès de la communauté scientifique internationale pour s'y opposer. Le texte de cet appel se trouve ici en traduction française (ou sur le site de l'association), ainsi que les modalités pour le signer. Les délais sont très courts puisque le décret qui donnera force de loi à cette décision doit être effectif le 28 novembre. L'objectif est de recueillir un maximum de signatures pour le 25 novembre 2008. Il est urgent de la signer.
Pour signer cet appel, il est nécessaire d'envoyer un mail à :
appello@bianchibandinelli.it
en précisant son prénom, son nom, son ou ses titres, son institution, et sa ville."
Article pris sur La tribune de l'Art
Image : Karl Pavlovich Briullov (1799-1852) Le sac de Rome de 455, Gallerie Tretiakov, Moscou
dimanche 16 novembre 2008
Quel Parti, communiste, au 21ème siècle?
Je fais ici référence à un texte signés par plusieurs dirigeants du PCF intitulé poétiquement : " Réflexions pour aller au bout des choix de la base commune et nommer clairement ce que nous voulons". on peut y lire notamment après quelques gloses grandioses sur "l'éco progrès"(?), la démocratie générale (??) et "La mondialité" (???) les lignes suivantes :
[...] Là aussi se pose la question de nommer ce que nous voulons faire, et devenir. Oui, nous voulons rassembler tout à la fois celles et ceux qui s’engagent en mettant le communisme au cœur de leurs références, et bien d’autres qui sont prêts à partager les mêmes combats politiques en y venant par d’autres références ou d’autres chemins. Nous devons produire un acte public qui donne ce signal. N’est-il pas nécessaire, pour qu’existe ce Parti ainsi métamorphosé, et d’abord pour manifester notre volonté de le construire, de lui donner un nom qui lui corresponde ? Un nom qui, inséparablement, assume notre histoire et montre de façon visible que nous en tirons les leçons, un nom qui dise le communisme qui est aujourd’hui le nôtre, démocratique, écologiste, féministe, solidaire, libertaire. Un nom qui, du même coup, contribuera à nous libérer des fausses images de nous-mêmes qui nous renvoient, dans l’esprit de tant de femmes et d’hommes, à une conception du communisme qui n’est depuis très longtemps plus la nôtre. [...]"
(c'est là : http://alternativeforge.net/spip.php?article1835)
Écoutons à ce propos la contributions de deux géniaux théoriciens de la politique, hélas trop tôt disparus texte fondateur dont voici quelques éléments saillants:
"Pour le Parti d'en rire
[...] Sans parti pris nous avons pris le parti de prendre la tête d'un parti Qui soit un peu comme un parti; Un parti placé au dessus des partis En bref, un parti, oui Qui puisse protéger la patrie De tous les autres partis. Et ceci Jusqu'à ce qu'une bonne partie Soit partie Et que l'autre partie C'est parti Ait compris Qu'il faut être en partie Répartis Tous en seul parti
Notre parti [...]."
(A remarquer que la puissance de cette analyse s'applique tout autant au glorieux parti socialiste de Martine, Ségolène et Bertrand...)
samedi 15 novembre 2008
Rifondazione Comunista vers la scission ?
Alors que l’unité parait aujourd’hui comme une aspiration grandissante des communistes en Italie, la presse italienne révèle que ce sont plutôt des menaces de scission qui apparaissent au sein de Rifondazione Comunista, le principal parti de la gauche extraparlementaire (de la gauche en fait. ..) .
Après son congrès de Cantiano en juillet, Rifondazione en était sorti avec d’un côté la volonté claire de sa nouvelle majorité de repartir de la base et de réaffirmer l’autonomie du parti et, d’un autre côté, pratiquement coupé en deux, avec une minorité (mais qui représentait 47%) autour de Nichi Vendola, héritier désigné de Fausto Bertinotti et président de la Région des Pouilles, qui décidait de s’ériger en courant organisé, promettant la revanche à la nouvelle majorité avant un an, et cherchant à construire avec des « comités de gauche » une nouvelle organisation dans laquelle, comme le disait alors Bertinotti, le communisme ne serait plus qu'un « courant culturel »…La majorité autour du secrétaire Ferrerro, de son côté ne rompait pas avec les pratiques "de majorité"antérieures et excluait du secrétariat le courant de l’Ernesto, le plus résolus dans la recherche de l'unité des communistes et dont le concours fut pourtant crucial pour atteindre la majorité au congrès.
A l’approche des éléctions européennes, la minorité de Rifondazione, qui vient de fonder l’association « per la Sinistra » avec les démocrates de gauches de Mussi (ceux qui ont refusé la transformation des DS en Parti démocrate ) propose pour les européennes une coalition de la gauche, bref de refaire ce qui a piteusement échoué avec la Gauche Arc en ciel au moment des législatives… Ainsi Genaro Migliore, ancien chef du groupe PRC à la chambre, prône dans Il Manifesto la constitution d’une liste unique de la gauche pour les européennes en contradiction avec les décision du congrès de Cantiano. Et pire, l’ancien secrétaire du PRC, Franco Giordano, déclare à l'Unità que: si Ferrero fait alliance avec Diliberto (le secrétaire du PDCI, l’autre parti communisme) pour les européennes cela voudra dire que « c’est lui qui veut la scission ». Et la Minorité d’exiger la tenue d’un nouveau congrès (4 mois après le précédent !). De son côté la majorité et Paolo Ferrero dénoncent des « prétextes » qui servent à préparer une nouvelle scission mais ils semblent reculer sur la recherche de l’unité des communistes et exclure une alliance avec le PDCI, si ce n’est un ralliement des candidats de ce parti sous la bannière de Rifondazione.En tout cas, il semble bien, alors que l’unification des luttes contres la politiques du gouvernement des droites, dans une Italie qui présente de graves dérives fascistes, est une nécessité qui commence d’ailleurs à se réaliser au moins au plan syndical, qu'il n’ y ait rien de plus urgent que de chercher à détruire les organisations qui sont seules à porter une critiques radicales de la politique des droites…
Image : Giovanni Francesco Barbieri, dit Le Guerchin (1591-1666) Hersilie séparant Romulus et Tatius (1645), Paris , Musée du Louvre
vendredi 14 novembre 2008
Italie : Grève générale en décembre
Unifier les luttes : voilà la petite formule magique que beaucoup attendaient depuis plusieurs jours et qui à la fin a été prononcée. Guglielmo Epifani a proposé hier à la direction [...] d’organiser une grève générale d’ici décembre. Les assemblées qui se sont tenues à Rome durant les deux dernières semaines – d’abord celle des métallos de la Fiom, puis des cadres et délégués de la Cgil, jusqu’aux retraité du Spi – qui n’avaient cessés de pousser pour l’arrêt de travail de toutes les catégories, enfin le secrétariat de la Cgil c’est prononcé en demandant hier l’approbation de la direction pour l’appel à la grève. Après demain, vendredi 14 , descendent dans la rue les universités et les chercheurs, samedi 15 est prévu l’arrêt de tous les travailleurs du commerce convoqués par la Filcams contre l’accord séparé; les deux donnant lieu à des grèves de 8 heures avec une manifestation à Rome. Le 12 décembre a été convoquée la grève des métallos, à laquelle on pourrait additionner celle de la fonction publique : eux aussi avec la modalité de 8 heures plus une manifestation nationale à Rome. Cependant la décision de la confédération pourrait dépasser tout les arrêts catégoriels et les absorber en un seul. [...]
C’est le secrétariat qui établira les modes de convocation et la date. Les modalités ne sont pas une petite choses : la grève pourrait être de quatre ou de huit heures avec un cortège national à Rome ou en région. il est vraisemblable que les catégories les plus en pointe dans la contestation, les métallos et la fonction publique, qui entre autre avaient déclaré vouloir unifier leurs dates, préfèrent l’hypothèse la plus haute (8 heures avec manifestation à Rome). De l’autre côté, il semble au contraire qu’Epifani et son secrétariat veuillent « freiner » en commençant en décembre seulement par un arrêt de travail articulé par Région ou de quatre heures : en tout état de cause, cela serait une option mineure par rapport à la« grande grève » ; Pour cette dernière il faudrait attendre fin janvier ou même fin février : les mauvaises langues disent pour « couronner » la sortie d’Epifani de la Cgil vers un siège européen avec le Pd (les élections se tiennent au printemps).
En somme pour l’heure, tout le calendrier des luttes est confirmé.[..]
Traduction : L. A. et Y. L.
mercredi 12 novembre 2008
La métamorphose
En attendant d'avoir une réponse à cette question, voici qu'apparait dans le texte qui sert de base à la discussion des communistes ("La base commune") quelques expressions qui me font réagir: Aujourd'hui le mot sera "métamorphose"
En effet, nous le trouvons dans la "base commune" le passage suivant:
"[...]Pour répondre aux défis de changement qui s’imposent à nous, nous faisons donc aujourd’hui un choix : engager de profondes transformations de notre parti pour devenir cette force. La voie de transformations du PCF nous apparaît plus féconde que celle de la recherche de la constitution d’un autre parti aux contours incertains. Certains vont parmi nous jusqu’à parler d’un processus de métamorphose. Pour l’heure, l’important est de s’accorder sur la nature des évolutions, des transformations, des ruptures nécessaires. Elles pourraient prendre plusieurs directions.[...]"
(Projet de base commune de discussion adopté au conseil national du PCF des 5 et 6 septembre 2008)
Et qu'en dit Gregor Samsa? (dans un texte célèbre...)
"Un matin, au sortir d'un rêve agité, Grégor Samsa s'éveilla transformé dans son lit en une formidable vermine. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une cuirasse, et, en levant un peu la tête, il s'aperçut qu'il avait un ventre brun en forme de voûte divisé par des nervures arquées. La couverture à peine retenue par le sommet de cet édifice était près de tomber complètement, et les pattes de Grégoire, pitoyablement minces pour son gros corps, papillotaient devant ses yeux. "Que m'est-il arrivé » pensa-t-il. Ce n'était pourtant pas un rêve : Sa chambre, une vraie chambre d'homme quoique un peu petite à vrai dire, se tenait bien sage entre ses quatre murs habituels. Au-dessus de la table où s'étalait sa collection d'échantillons de drap - Grégoire était voyageur de commerce - on pouvait toujours voir la gravure qu'il avait découpée récemment dans un magazine et entourée d'un joli cadre doré. Cette image représentait une dame assise bien droit, avec une toque et un tour de cou en fourrure; elle offrait aux regards des amateurs un lourd manchon dans lequel son bras s'engouffrait jusqu'au coude. Grégoire regarda par la fenêtre; on entendait des gouttes de pluie sur le zinc; ce temps brouillé le rendit tout mélancolique : « Si je me rendormais encore un peu pour oublier toutes ces bêtises », pensa-t-il; mais c'était absolument impossible; il avait l'habitude de dormir sur le côté droit et ne pouvait arriver dans sa situation présente a adopter la position voulue. Il avait beau essayer de se jeter violemment sur le flanc, il revenait toujours sur le dos avec un petit mouvement de balançoire. Il essaya bien cent fois en fermant les yeux, pour ne pas voir les vibrations de ses jambes, et n'abandonna la partie qu'en ressentant au côté une douleur sourde qu'il n'avait jamais éprouvée [...]"
Franz Kafka, La Métamorphose
Image : Le Titien (1489/1490-1576) Diane et Actéon, National Gallery of Scotland
vendredi 7 novembre 2008
bajao faz balancar Moretti et Mangano
mardi 4 novembre 2008
Italie : il n' y a pas que les étudiants à réagir!
Grève Générale : c’est la base qui le demande.
par Loris Campetti pour Il Manifesto du 3/11/08
Cinq milles délégués représentant le système sanguin de la Fiom, un réseau dense et capillaire qui irrigue le corps et le cerveau du plus fort syndicat des métallos italiens. Vendredi ils ont accueilli par une standing-ovation, la proposition, avancée par leur secrétaire Gianni Rinaldini, de grève générale de leur catégorie accompagnée d’une grande manifestation à Rome, le 12 décembre prochain. Mêmes applaudissements convaincus quand Rinaldini a défendu le rôle de la Cgil, foyer naturel de la Fiom, et quand Guglielmo Epifani (secrétaire générale de la Cgil, Ndt) a dit: "La Fiom et la Cgil c’est la même chose." Une affirmation que ces Métallos n'avaient pas entendue depuis longtemps et dont ils ont probablement senti le besoin. Une scène d'un autre temps, une passion qui a frappé le groupe dirigeant entier de la Cgil présent à la réunion des délégués.
Rinaldini, comme expliques-tu les ovations de tes délégués?
J’ai un jugement très positif de cette assemblée qui a conjugué une conscience inquiète des difficultés produites par la crise avec une combativité forte. L'ovation n'est pas habituelle dans la culture des Métallos qui, par nature, sont habitués à la critique, rarement à l’excès d’applaudissements, lesquels sont donnés avec parcimonie. Cette détermination est importante dans une période aussi complexe, avec la crise financière, économique et productive qui pèse sur la condition des ouvriers. Nous sommes au point de l'urgence sociale, jusqu’alors obscurcie par ceux qui ont caché la réalité et qui soutiennent que le problème concernait seulement les banques et le système financier.
Ne penses-tu pas qu'avoir fortement rassemblé les délégués a contribué au retour à l’unanimité du groupe dirigeant?
L'unanimité du groupe dirigeant depuis quelques mois n’a rien à voir avec la recherche de qui dans le passé a eu tort et de qui a eu raison. Elle naît plutôt de la conscience collective de la gravité de la situation, qui met le syndicat devant une alternative, par rapport à un scénario marqué par la prétention du gouvernement et de Confindustria (le Patronat italien Ndt) à utiliser la crise pour décréter un changement structurel des rapports avec les syndicats. Lesquels peuvent décider d'accéder à une gestion de la crise vécue comme une phase temporaire, qui peut être vaincue alors par le sauvetage publique du système financier pour reprendre ensuite le même mécanisme de développement fondé sur les bas salaires, la détérioration des conditions de travail et la précarité. Cette direction rendrait le syndicat utilitaire en échange d'une gestion directe de morceaux de l’Etat social, à la formation, aux amortisseurs sociaux
La route prise par la majorité des organisations syndicales, est-ce celle de Cgil et de la Fiom?
Un syndicat qui veut défendre les valeurs de la solidarité, de l'égalité et de la démocratie doit ouvrir la route à un nouveau scénario à travers une hypothèse alternative au système de pouvoir gouvernement-Confindustria et à un modèle de développement qui a produit trop de pannes sociales, environnemental, culturel. La Fiom comme la Cgil depuis quelques mois, s’est déclarée non disponible pour être englobée à l'intérieur d’un processus qui détruirait ses valeurs et sa propre culture. Il faut dévoiler les présumés paradoxes de l'idéologie dominante pour qui pendant que la Casa intégrazione (Système de chômage partiel Ndt) explose, qu’on licencie les précaires, ils détaxent les heures supplémentaires et pratiquent une contre réforme de la législation du travail afin d’allonger les horaires. On dit que les salaires sont dépensés à la fin de la troisième semaine du mois et ils font un accord dans le public qui prévoit une augmentation nette de 40 euros, et dans le privé ils signent des lignes d’objectifs confidentielles qui comportent la réduction des salaires. Comme ils ne sont pas fous, l'explication est qu'il y a un dessein qui met en ligne de mire les salariés du privé et du public, les étudiants et les retraités. Derrière les coupes dans l'école et dans la recherche il y a une conception de la productivité basée sur la détérioration des conditions de travail et de vie. Dans le parcours individualisé avec la réunion des délégués nous avons réuni les questions inhérentes à la perspective avec la nécessité de construire un filet de protection sociale, d’utiliser les ressources publiques, qui doivent être énormes, pour élever et étendre les garanties sociales à tous les types de contrats. À ce point il faut se libérer de la loi Bossi-Fini" qui prévoit l'expulsion des travailleurs immigrés qui perdent leur travail: au contraire il faut étendre à eux, et à l’ensemble des précaires, les garanties auxquelles ont accès ceux qui bénéficient d'un contrat stable dans les grandes entreprises
Dans les pages de Il Manifesto le secrétaire du syndicat de la Fonction publique, Carlo Poddà, a demandé à la Cgil d’arriver, avant le vote de la loi de finance, à une grève générale intercatégorielle. Qu’en penses-tu ?
Que ce que dit Poddà est d’un bon sens absolu : il est évident que l’articulation des initiatives de lutte mise en route et celles déjà programmées pour novembre exige de trouver un moment unifiant qui ne peut être que la grève générale ; c’est de cela que devra discuter la direction de la Cgil, tout en évaluant les étapes nécessaires.
Poddà a ajouté que, si le Cgil décidait de s’engager dans une direction différente, le syndicat de la Fonction publique serait prêt à fixer sa grève générale à la même date que celle des Métallos.
Il s’agit d’une autre considération de bon sens dans le cas où les dates de la grève générale décidée par la Cgil seraient différentes de celles du vote de la loi de Finance. Il serait paradoxal que deux initiatives majeures comme les grèves des Métallos et des agents de la fonction publique, les deux principales catégories des travailleurs actifs, se tiennent à des moments différents, séparés, au moment justement où le gouvernement et la Confindustria font tout pour diviser et opposer les travailleurs entre eux, en lançant des infamies aussi bien contre les travailleurs du secteur public – traités de fainéants - que contre ceux de nôtre catégorie.
Cela n’a rien d’offensant, s’ils se réfèrent aux années 2001-2002. Les organes d’information se sont transformés en organe des partis : ils avaient espéré l’isolement de la Fiom et sa rupture avec la CGIL, ils y avaient travaillé avec détermination et aujourd'hui ils sont hystériques d’avoir manqué leur objectif. Ils ne parlent jamais de la valeur, de la situation des ouvriers, des retraités, des étudiants, tout est réduit aux manœuvres et à la ligne politique. Ils ont ouvert une campagne de dénigrement envers Epifani parce qu’il a osé dire que cette fois il n'y avait pas de position différente entre la Cgil et la Fiom concernant le jugement sur les accords que nous avons décidé de ne pas signer.
Pour parler ouvertement de ligne politique, il y a une grande discussion pour savoir combien de dommages le durcissement présumé de la Cgil produirait pour le Pd
Le tournant de la Cgil ouvre un nouveau scénario avec tous, y compris le Pd et (y compris) les forces qui sont à sa gauche, ils devront faire les comptes. Un scénario qui porte au centre la question sociale.
Image : Renato Guttuso (1912-1987) huile sur toile