L’intérêt immédiat pour Die Linke est normal : l’Allemagne, première puissance européenne, la constitution d’un parti bien carré bien compréhensible pour nos esprits cartésiens, avec des conséquence prévisibles en termes électoraux… L’intérêt manifesté par l’ensemble des média est à la hauteur de l’événement. Pourtant il ne s’agit, comme dit Gregor Gisy, que de "l’achèvement de l’unification allemande" c’est beaucoup, mais ce n’est (presque) que ça…
Par contre ce qui se passe en Italie est peut être plus intéressant . L’Italie, mais ce n’est pas une nouveauté, joue le rôle de laboratoire de la recomposition politique en Europe. Et les italiens font preuves d’une créativité réelle en la matière au moins depuis les années 70. Il ne faut pas en attendre moins d’un pays qui a engendré deux des plus grands penseurs politiques de tous les temps (Machiavel et Gramsci) et développé une des pratiques diplomatiques des plus sophistiquée (avec les réseaux et l’appareil du Vatican…)
Ce mouvement va bien au-delà de la création de la Sinistra europea. Car la SE n’est qu’un élément d’un mouvement qui a été relancé en fait à gauche par la création du Parti démocrate.
Piero Fassino, secrétaire des démocrates de gauche (ex-communistes) dans un interview au monde du 23 mai 2007 a donné le sens de la fusion des deux principaux partis de centre gauche (la Démocratie libérale-Marguerite, ancienne démocratie chrétienne et la DS, (démocrates de gauche) qui aura lieu le 14 octobre pour donner naissance à un grand parti social- démocrate : «Avec la coalition de l’Olivier, nous avons mis en route depuis douze ans, et plus particulièrement ces cinq dernières années, un processus d’unification de notre électorat qui a besoin d’être complété ». Unir les forces réformistes a été la première étape, la seconde est la réorganisation des partis, puisque la réforme des institutions et celle de la loi électorale ne suffisent pas pour dépasser « la désespérante fragmentation politique ».
Face à la création de ce parti résolument centriste, le débat sur le rassemblement des forces de gauches qui refusent ce processus c’est accéléré. Le débat concerne en particulier ceux des DS, autour notamment de Fabio Mussi et Cesare Salvi, qui refusent d’entrer dans le nouveau parti démocrate, ainsi que les Verts, les communistes (PRC et Pdci), les petits groupes socialistes, et d’autres groupes politiques plus ou moins importants.
A l’intérieur de Rifondazione le débat fait rage sur cette question et est apparu en pleine lumière depuis le congrès de la Sinistra europea : Ainsi le discours qu’y a prononcé l’ancien secrétaire du parti Fausto Bertinotti(1) était très clair : il faut aller au-delà de Rifondazione Comunista, vers l’unité de
Il Foglio journal de droite dirigé par Giuliano Ferrara(3) en général bien informé sur le PRC résume assez bien la situation (il rapporte l’anecdote savoureuse que je ne peux résister de citer de Franco Giordano(4) réagissant au titre contestée de Liberazione par un ironique « Mon parti se dissout et je n’était même pas au courant… »)
Voilà ce qu'écrit Il Foglio dans son édition du 21 juin p 3: " Mercredi est apparu au grand jour le débat resté caché à l‘intérieur de la majorité du parti. Parce que, s’il avait été noté que les deux (et demi) minorités du PRC, « Essere comunisti », « Sinistra Critica » et l’Ernesto sont, avec des expressions diverses, opposées à un parti unique avec les autres forces de la gauches, moins évidentes étaient les divergences à l'intérieur de
On le voit le débat ne fait que commencer et il va falloir sans doute être attentif à ce qui va se passer en Italie…
Caius Gracchus
(1) Secrétaire très médiatique du PRC jusqu’à l’an dernier date à laquelle il a été élu président de la chambre des député et où il laissa sa place à la tête du parti à Franco Giordano.
(2) Le quotidien du PRC
(3) Brillant journalist,e il fut dirigeant des jeunesse communistes avant de rejoindre les socialistes de Betino Craxi, puis Forza Italia et Silvio Berlusconi (après avoir été dans les années 70 un agent, « pas si bien payé que ça», de la CIA )….
(4) Actuel secrétaire général de Rifondazione comunista ou PRC
(5) Secrétaire général du Pdci (sission du PRC), successeur à ce poste du dirigeant communiste historique Armando Cossuta.
(6) Leader de l’aile gauche des DS qui refuse de rejoindre le nouveau parti démocrate.
(7) Directeur de Liberazione
(8) Rédactrice en chef de Liberazione,
(9) Sous secrétaire PRC au développement économique dans le gouvernement Prodi, co auteur de nombreux ouvrages avec Fausto Bertinotti
(10) Actuel ministre PRC du travail
(11) Sénateur, ancien trésorier du parti, leader de
3 commentaires:
Hello Caius, c'est très bien cette essai d'explication de ceux qui ce passent de l'autre coté des Alpes.
Malheureusement à mes oreilles (encore très délicates), l'incessante référence à des noms de personnages illustres (probablement !)ne m'aide pas à comprendre. Est-ce parce que je cherche une analogie avec la composition de la Gauche ici en France !? (...)
Qui sont les socialistes, qui sont les communistes, qui sont les Gauchistes, ..., en tout cas c'est déjà un beau travail, bravo !
A bientôt compagnon
Oui tout cela n'est pas très simple ce qui explique les nombreuses notes que j'ai mises dans mon texte. Je vais essayer d'expliquer mieux : accroche toi cela va être dense.
Pour éclairer un peu il faut partir de l'explosion du système politique au débat des années 90 avec la disparition des trois grands partis : la Démocratie chrétienne, le parti socialiste italien de Craxi,le PCI alors dirigé par Achille Ochetto
Pour le PCI la majorité décide la disparition du PCI au profit du parti des démocrates de gauches (PDS) qui au début oscille entre une ligne "nouvelle gauche" et un ligne social-démocrate classique c'est cette ligne qui l'emportera avec la transformation du PDS en DS en intégrant un grand nombre de socialistes venu du PSI.(reste à côté des petits partis socialistes très minoritaire)
Un fraction du PCI qui refuse l'abandon de la référence au communisme emmené par Armando Cossuta (figure historique du PCI leader de l'aile "prosoviétique") et des personnalités du Manifesto (du nom d'un groupe dirigeant le journal du même nom exclu du PCI, à la fin des années 60 et l'ayant rejoint à nouveau dans les années 80) Magri, Castelina etc. (des figures intellectuelles connues et respectées) décident de fonder un nouveau parti se référant au communisme "Rifondazione comunista" (PRC) avec également des gens issus d'un parti d'extrême gauche parlementaire ("démocratie prolétarienne") qui rassemble en particulier les trotskistes autour d'un leader historique de la 4ème internationale Maitan.
Un minorité autour du leader historique de l'aile gauche du PCI autour de Pietro Ingrao reste au PDS (tout en se référant au communisme...Ingrao a rejoint le Prc il y a deux ans)
Lors du premier gouvernement Prodi, Bertinotti qui est devenu entre temps secrétaire du PRC fait chuter le gouvernement Prodi, ce qui entraîne une scission avec Cossuta qui fonde le parti des communistes italien (PDCI) qui soutient le centre gauche.
Depuis a l'intérieur du PRC il y a plusieurs tendance : la tendance majoritaire autour de Bertinotti, qui lors du dernier congrès dit vouloir rompre complètement avec le stalinisme, qui privilégiait une ligne "mouvementiste" avant de se rallier avant les dernières élections à une ligne gouvernementaliste.
Une tendance se référent plus explicitement à la référence communiste et plus attachés à la forme parti autour de la revue l'Ernesto qui rassemble des berlinguériens, des togliatiens, des léninistes. Enfin une tendance trotskiste type LCR très critique (après avoir été allié de Bertinotti avant le tournant gouvernementalistes). Comme je l'ai montré la majorité se fissure entre partisans d'un parti unique de la gauche et ceux voulant maintenir le PRC...
Je complète pour mieux répondre à ta question...
D'abord rappeler une réalité politique et sociale très différente entre France et Italie : en particulier
1) le poids du catholicisme dans la société : politiquement, mais aussi dans les mouvements sociaux en particulier le mouvement pacifiste.
2) le poids des mouvements sociaux, "le Mouvement des mouvements" qui a montré une force sans commune mesure avec ce qui se passe en France : des millions de personnes qui défile à Gênes, au forum social de Florence, contre la guerre. Aujourd'hui ce mouvement est puissant contre l'élargissement d'une base américaine soutenue par le gouvernement Prodi (le président du conseil)
3) le poids des syndicats.
Qui sont les socialistes?
En majorité ils sont issus du PCI
La plupart fondent le nouveau Parti Démocrate (c'est Fasino l'équivalent de Hollande, Weltroni, maire de Rome qui veut devenir leader du nouveau parti, il se réfère au parti démocrate américains et à Kennedy, D'Alema, qu'on pourrait comparer à Jospin en plus intelligent.
Ceux qui veulent refonder la gauche sans rejoindre le PD :
- Les ex DS : J'ai cité Mussi et Salvi, on peut les comparer à Mélenchon en France.
- les socialistes issus du PSI : très minoritaires ils soutenaient naguères Berlusconi avant de se rallier au centre gauche.
- Les communistes
les communistes du PDCI, se revendique du communisme de manière identitaire mais très modéré, leur leader di Liberto pourrait être comparé à Hue mais sans la mutation
- les communistes du PRC sont divisés
Bertinotti est l'ancien secrétaire du PRC qui avait imposé une ligne d'opposition au centre gauche et de convergence avec le "Mouvement des mouvements". Cette ligne était très proche de celle de refondateur en France aujourd'hui. Mais lors des dernières élections il a imposé une ligne de soutient au centre gauche ce qui a provoqué une rupture avec les "Mouvements". Aujourd'hui il n'est plus secrétaire du PRC mais président de la chambre des députés et troisième personnage de l'Etat.
Alfonso Gianni est l'ancien bras droit de Bertinotti, mon hypothèse est qu'il dit tout haut ce que Bertinotti ne peut dire clairement en tant que président de la chambre (au dessus des partis...) Lui il est clairement pour créer un nouveau parti de gauche dans lequel de fondrait rifondazione (un die linke à l'italienne)
la majorité autour de Giordano : eux défendent une ligne plus circonspect vis à vis de la disparition du PRC.
Les courants minoritaires communistes du Prc :
le courant de l'Ernesto qui est aujourd'hui scindé en deux : "Essere comunisti" avec Claudio Grassi se réfère de manière identitaire au communisme et à la forme parti, ils sont pour le maintient du PRC au sein d'une confédération de la gauche. Difficile de les comparer à un courant français même si sans doute on y retrouverait des gens appartenant à la fois à la majorité du PCF mais aussi des gens type Gerin, fédé du Pas de calais, Nicolas marchand)
La tendance de l'Ernesto proche de la précédente mais plus critique quant à la participation gouvernementale (ils sont aujourd'hui pour poser la question de la sortie du gouvernement) ils sont plus branchés sur les questions internationale, plus léniniste, un peu plus à gauche. Leurs leaders sont Fosco Giannini sénateur et directeur de la revue l'Ernesto, Gian Luigi Pegollo membre de la direction et Fausto Sorrini.
Membre d'aucune tendance : Cremaschi ancien leader des métallos de la CGIL (la FIOM) et qui demande le départ du gouvernement.
Les gauchistes :
Ce sont les trotskystes membres du PRC de "Critica comunista" allié à Bertinotti jusqu'au dernier congrès, ils sont contre la création d'un parti unique de la gauche, très critique sur la direction de rifondazione. Ils sont le correspond exact de la LCR en France.
Je ne sais pas si tout est plus clair maintenant
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