dimanche 29 avril 2007


Bonjour à tous...

Je sais pas vous mais le forcing pour le vote SR obligatoire contre les quelques audacieux qui annoncent leur refus de voter Royal me gonfle un peu...
Cette manière de culpabiliser ceux qui ne sont pas prêt à en faire autant ne me parait ni très politique ni très respectueuse de notre intelligence Cela aurait même tendance, au contraire, à me convaincre de m'abstenir... (Ce que je ne ferai pas rassurez-vous...)
Comme Osémy l'écrivait dans un post sur son blog (à propos du vote utile) il s'agit là de la liberté de voter pour ce qu'on croit juste...
Quelques soit le résultat la gauche à déjà perdue : parce que c'est la droite qui imposent ses idées, la manière dont on en discute, le cadre de ce qui est légitime...

Ceux qui ne voterons par SR dimanche ne seront pas coupables de la victoire de Sarkozy ou, en tout cas, sûrement moins que ceux qui on cru bien faire en votant "utile"...
Et prenez garde mais le "tout sauf Sarko" c'est le contraire de la politique, c'est agir même dans le sens de l'évacuation (une fois encore) du vrai débat, comme l'a déjà largement fait SR dans sa campagne...

Bien sur il faut voter contre Sarko (pour le battre je pense que c'est trop tard..) mais méditons les leçons de ce qui s'est passé en Italie et la diabolisation de Berlusconi par la gauche réformiste... en diabolisant on évite la confrontation, on renonce à mener la bataille sur les idées, on renonce à se remettre en cause, on contribue à la dépolitisation.

Alors réfléchissons aussi sur les ressorts du vote Sarko...

Ce matin je distribuait le tract "battre Sarkozy" du PCF qui aura permit quelques discussion pas inintéressante avec des électeurs de droites (qui croyaient que nous distribuions un tract POUR sarko...comme quoi le TSS à parfois des effets paradoxaux...) va-t-on les convaincre avec « Sarko dictateur » ?

Pas plus que la gauche italienne n’a convaincu avec « Berlusconi dictateur » ; Parce qu’en Italie (plus qu’en France sans doute) c’est la gauche socialiste, avec Craxi, qui a imposé les thèmes politiques qui ont triomphé avec Berlusconi (à qui le socialiste Craxi avait donné des télé en Italie avant que Mitterrand ne lui donne la 5 en France,)

Parce que croire que le vrai danger fasciste aujourd’hui, c’est le fascisme des fascistes historiques, dont Sarko serait en quelque sorte un avatar me parait une erreur

Même si je crois qu’on peut malgré tout dire que Sarkozy comme Berlusconi a quand même à voir avec un certain "fascisme"

Je citerai Pasolini qui écrivait avec le sens visionnaire du poète: « Il existe aujourd’hui une forme d’antifascisme archéologique qui est en somme un bon prétexte pour se voir décerner un brevet d’antifascisme réel. Il s’agit d’un anti-fascisme facile, qui a pour objet et objectif un fascisme archaïque qui n’existe plus et n’existera plus jamais. […] Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé « la société de consommation » définition qui parait bien inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que le résultat de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. »

Alors revenons à la discussion avec mes électeurs Sarkozystes et en particulier 4 balayeurs de la Ville de Paris ( !) qui défendaient la candidature et les argumentations Sarkozystes. Entendons Sarkozy, encore ce midi, qui annonce « je veux rompre avec mai 68 »… et voyons la violence qu’impose un capitalisme « de la séduction » post 68 qui dit « tout est permis » et un capital en crise, qui fait payer sa crise, comme toujours, aux classes populaires et qui dit, (et que disent d’autres les socio démocrates depuis Mitterrand) « …mais rien n’est possible »...

Pourtant si Sarkozy représente bien un danger réel c'est son hégémonie idéologique qui est la plus dangereuse cela suppose qu'au lendemain du second tour la gauche décide de manière obstinée de reprendre le combat idéologique sans fléchir et la détermination de ceux qui veulent résister à ce tout est possible qui nous fait froid dans le dos...

Caius

PS : Qu'on me comprenne bien... je ne minimise pas le danger Sarkozy en minimisant le danger que représente Berlusconi.
Je ne pense pas que Berlusconi est un dirigeant de droite comme les autres, que ses liens avec les projets de la P2, ses liens avec la Mafia, son implication et celle de ses sbires dans les "trames obscure" font qu'il n’était pas le président "normal" d'un "pays normal". Mais je pense que la posture antifasciste qui range Berlusconi dans le camp du "vieux fascisme" est une erreur confortable qui ignore l'apparition d'un fascisme nouveau que dénonçait déjà Pasolini et dont Berlusconi est un représentant emblématique.
Et ceux qui ont diabolisé Berlusconi, ceux qui sont arrivés au pouvoir avec Prodi soutenu par toute la gauche ceux-là refusent de rompre avec le Berlusconisme : ils entament, outre la poursuite de la mission militaire en Afghanistan, une nouvelle militarisation du pays par les forces américaines, ils mettent en oeuvre une politique d'austérité et de concession aux forces rétrogrades catholiques. Qu'est ce que "le peuple de gauche" peut trouver de séduisant dans cette gauche? Cela accélère le processus de dépolitisation et fait objectivement le jeu de Berlusconi

vendredi 27 avril 2007

Alors on fait quoi?

face à la victoire de Sarkosy qui s'annonce à la vue du score d'une gauche (dans toutes ses composantes) historiquement bas, il faut gagner du temps et Résister, résister, résister!

Essayons de barrer la route à Sarkosy, sans malheureusement se faire trop d'illusion sur cette possibilité.

Je voterai , malgré tout, Royal, en me bouchant le nez ... En ne sachant pas si je ne devrai pas pleurer quand même si (par "miracle") elle l'emportait...

En tout cas essayons de sauver des points d'appuis au législative... organisons la guerre de positions, construisons des casemates et relisons Gramsci...

Gramsci notre contemporain


Gramsci. Du libéralisme au « communisme critique », de Domenico Losurdo. Éditions Syllepse, 2007, 26 euros.
Entretien avec Domenico Losurdo à l’occasion de la traduction de son livre. 22 euros.

Baptiste Eychart : Domenico Losurdo, vous avez écrit plusieurs livres centrés sur l’étude d’un penseur majeur de l’époque contemporaine : Nietzsche, Heidegger ou Hegel. Cependant, pour la première fois ici, vous avez consacré une biographie intellectuelle à une figure importante du mouvement ouvrier : Antonio Gramsci. Quelles sont les circonstances qui vous ont poussé à un tel choix ?

Domenico Losurdo. Gramsci permet de mettre en crise l’idéologie aujourd’hui dominante dans ses deux versions, néolibérale et postmoderne, versions qui souvent se mêlent l’une à l’autre. Combien de livres ont été écrits pour démontrer que le marxisme et le communisme sacrifient l’individualité concrète et la norme morale sur l’autel de la philosophie de l’histoire ? D’importants auteurs libéraux, parmi lesquels Benedetto Croce, justifièrent l’intervention de l’Italie dans le carnage de la Première Guerre mondiale, nonobstant la large opposition populaire au nom du droit des élites héroïques de contraindre au sacrifice la masse des couards, ou au nom de la fusion et de la régénération de la nation. Gramsci devint communiste à partir de la critique de cette philosophie de l’histoire ; il condamna la prétention à « transformer le peuple travailleur en matière première pour l’histoire des classes privilégiées ».

Les analogies sont fortes entre la situation politique actuelle et la période de contre-révolution vécue par Gramsci. La force de votre ouvrage est de montrer que Gramsci a eu besoin d’un retour critique sur ses positions antérieures pour mieux appréhender la situation historique de la fin des années vingt et des années trente.

Domenico Losurdo. Le Gramsci le plus intéressant est celui qui réfléchit sur la stabilité du capitalisme occidental, malgré l’horreur de la Grande Guerre qu’il provoqua. Ceci l’orienta vers la critique radicale de la théorie de l’écroulement du capitalisme et à une reformulation bien plus sophistiquée de la théorie de la révolution. Ainsi, sa vision du socialisme connut une évolution : en saluant la révolution d’Octobre, il souligna d’abord qu’elle produirait l’égalité, même si c’était à l’enseigne tout d’abord d’un « collectivisme de la misère et de la souffrance » ; neuf ans plus tard, il soutenait la NEP malgré les inégalités sociales flagrantes, au nom du nécessaire développement des forces productives.

Il s’agit aussi chez Gramsci de l’abandon d’un utopisme dangereux pour la construction du socialisme...

Domenico Losurdo. En effet, les horreurs de la guerre de 14-18 d’un côté et les espérances extrêmes produites par la révolution d’Octobre d’un autre, stimulèrent une lecture messianique du marxisme : tout comme les classes, les États et les nations, la religion, le marché, l’argent ou le pouvoir en tant que tel, en fait chaque occasion de conflit, devaient disparaître. Mêlées avec l’état d’exception provoqué par l’agression impérialiste, ces conceptions utopiques ont rendu encore plus difficile la construction d’une société postcapitaliste fondée sur la démocratie et le règne de la loi. Gramsci a indiqué une voie qui doit être encore parcourue de bout en bout : penser un puissant projet d’émancipation qui ne prétende pas être la fin de l’histoire.

Selon vous, ce retour critique sur un patrimoine culturel ne doit pas être l’occasion d’un mea culpa des communistes car il devrait se faire dans la perspective de la lutte contre un capitalisme dont il faut penser les nouveautés. Pensez-vous que les catégories de Gramsci comme celle de « révolution passive » soient éclairantes pour comprendre la dynamique du capitalisme actuel ?

Domenico Losurdo. Il n’y a pas de raisons pour que les communistes s’abandonnent à l’autophobie et à la fuite de l’histoire. La décolonisation et, en tant qu’ils concernent l’Occident, la naissance de la démocratie et du suffrage universel, tout comme le dépassement des trois grandes discriminations historiques (raciales, censitaires et de genre), ainsi que la création de l’État social auraient été des conquêtes impensables sans la contribution du mouvement communiste. Au défi représenté par ce mouvement a correspondu en Occident l’époque de la « révolution passive » avec l’introduction de réformes importantes sous la direction et le contrôle de la bourgeoisie. Avec la disparition de ce défi s’ouvre une période de réaction plus ou moins ouverte : il suffit de penser au démantèlement de l’État-providence, ou bien au retour, aux États-Unis, selon l’historien Schlesinger, de la discrimination censitaire, du fait du poids croissant de la fortune dans le processus électoral. Et le retour au principe d’une hiérarchisation des peuples, avec la prétention américaine à être le « peuple élu par Dieu » pour guider et dominer le monde, est aussi significatif de cette régression.

On a longtemps classé Gramsci comme un représentant du marxisme occidental avec une suite d’auteurs qui auraient partagé un certain nombre de points communs tranchant avec le marxisme orthodoxe antérieur, celui de Kautsky ou de Lénine. Vous semblez contester cette caractérisation.

Domenico Losurdo. Le point de vue de Gramsci oppose « notre Marx », - un Marx combiné à la lecture de « l’Oriental » Lénine -, au « marxisme contaminé d’incrustations positivistes et naturalistes », incapable avec Bernstein et Kautsky (les « Occidentaux » !) de comprendre la dialectique et la nécessité historique de la révolution d’Octobre. En outre Gramsci distingue entre un communisme dogmatique et un « communisme critique » qui se place en héritier des sommets de la tradition culturelle bourgeoise, à commencer par Hegel et par la philosophie classique allemande. Mais on voit que même dans ce cas la notion de « marxisme occidental » est trompeuse. Le dernier Staline liquide Hegel en tant qu’expression de la réaction allemande à la Révolution française, liquidation acceptée par de nombreux marxistes européens mais refusée par Mao Tse Toung.

En fait la catégorie de « marxisme occidental » incite à opposer positivement l’Occident à l’Orient et les intellectuels purs aux politiques engagés dans la construction d’une société post-capitaliste. On revient à la configuration que j’avais décrite au début de cet entretien : on ne peut critiquer la vision auto-apologétique de l’Occident chère à l’idéologie libérale et par ailleurs on en est réduit à fuir l’histoire, ce qui constitue le péché originel du « marxisme occidental ».

Entretien réalisé par Baptiste Eychart

L'Humanité Article paru dans l'édition du 7 avril 2007.