dimanche 26 avril 2009

Alerte, alerte ! le démon, le démon !!

Alerte ! alerte ! - le démon, le démon !!! Anges purs, anges radi-eux, portez mon âme au sein des cieux ! (Faust, Gounod, acte V, air de Marguerite)" :

Ces dernières semaines un débat s'est développé autour du dernier ouvrage de Domenico Losurdo publié en Italie (Stalin, Storia e critica di una leggenda nera, Carocci). Ce livre que je n'ai pas encore lu, mais qui semble revenir sur des thèmes chers au philosophe italien que l'on pourra retrouver sur des ouvrages traduit en français comme La fuite de l'histoire , ou Le révisionnisme en histoire, apporte quelques éléments de réflexion sur un des moments les plus importants du communisme au 20ème siècle, celui de la période stalinienne. Vu l'indigence de la production française en la matière (mais pas anglosaxonne), espérons que cet ouvrage trouve une traduction dans notre langue
On trouvera ci-dessous, traduit par Marie Ange Patrizio, une réponse de Domenico paru sur
il manifesto, le quotidien Liberazione ayant refusé à l'auteur le droit de réponse après avoir publié 4 articles critiquant, ou attaquant violemment son dernier livre (on pourra lire une note de lecture de cet ouvrage sur Reveil communiste).

L’ « utopie abstraite » et mon Staline

Dans sa polémique avec mon dernier livre , sans même réussir, d’ailleurs, à écrire correctement mon nom, Rina Gagliardi [1] fait une affirmation péremptoire, selon laquelle je serais « revenu occuper le rôle d’intellectuel de référence du Prc ». En réalité, sur quatre numéros consécutifs, Liberazione a pris mon livre pour cible, parfois avec des critiques légitimes exprimées par deux intellectuels estimés (Liguori et Prestipino), dans d’autres cas avec des insultes énoncées par certains membres de la rédaction. Après quoi, on a refusé au soussigné le droit de réponse. L’affirmation de Gagliardi peut être retournée : ce n’est pas moi « l’intellectuel de référence du Prc », mais ce sont les deux intellectuels hôtes de « Liberazione » qui constituent le point de référence de Gagliardi qui, de fait, dans sa façon de démolir mon livre, reprend les arguments qu’ils ont utilisés.

S’ils ne sont pas nouveaux, ces arguments sont-ils au moins valides ? Je serais, dans ma lecture de l’histoire du mouvement communiste, responsable d’ « historicisme justificateur » (Liguori) ou de « mauvais historicisme » et de « justificationnisme » (Gagliardi). En vérité, à propos de Katyn, mon livre parle de « crime » et de « crime injustifiable » (p. 259) [2]. En ajoutant cependant que les USA ne peuvent pas s’ériger en maîtres de moralité du fait que, au cours de la guerre de Corée [3], ils se sont rendus responsables d’un Katyn à bien plus grande échelle. N’est-il licite de démasquer, dans ce domaine comme dans d’autres, l’hypocrisie morale qui nourrit la bonne conscience et la mission impériale et belliciste de l’Occident ?
De façon plus générale, après avoir souligné l’influence de l’état d’exception dans la tragédie de la Russie soviétique, mon livre fait observer qu’«est indubitable le rôle joué aussi par l’idéologie » et par « les
couches intellectuelles et politiques » exprimés par le bolchevisme (p.104-105). Si ce n’est que l’idéologie que je prends pour cible est l’ « utopie abstraite », c’est-à-dire l’aspiration messianique à un monde caractérisé par la disparition de l’Etat, de la religion, de la nation, du marché et de la monnaie. Liguori (et Gagliardi aussi, je crois) défend au contraire l’idéologie que je critique en tant qu’« abstraite », et prend pour cible d’autres objectifs, mais n’explique pas pourquoi mon approche serait plus « justificatrice » que la sienne. Dans tous les cas, mon approche me semble plus correcte. Si nous réfléchissons à la tragédie (et l’horreur) dans l’histoire de la Russie soviétique, malgré les gigantesques processus d’émancipation qu’elle a engendrés au niveau mondial, nous sommes obligés de nous demander : l’attente de l’extinction de l’Etat a-t-elle rendu plus facile ou plus difficile la construction de l’Etat de droit ? Le poids funeste que la prétention d’effacer toute forme de marché et de circulation de la monnaie a eu dans le Cambodge de Pol Pot est incontestable.

Dans la reconstruction de l’histoire de l’URSS on aime, à gauche, prendre Staline comme bouc émissaire. J’ai procédé différemment : en partant des éléments de messianisme présents chez Marx, et aggravés par l’horreur due à la boucherie de la première guerre mondiale, j’ai analysé les faiblesses de la plate-forme théorique de la direction bolchevique dans son ensemble ainsi que les contradictions et la guerre civile qui font rage en son sein : toutes choses qui prolongent l’état d’exception, portant ainsi à l’extrême la violence qui est impliquée dans l’état d’exception. Oui, Staline apparaît moins affecté que d’autres par l’ « utopie abstraite », mais il me semble que, en mettant en question (avec des modalités différentes) tous les protagonistes de ce chapitre de l’histoire, sans en exclure même Marx, mon approche est moins consolatoire (et moins « justificatrice ») que l’autre, qui se limite à diaboliser un seul de ces protagonistes, et pour le reste, retient que tous les autres seraient innocents : de sorte que les communistes pourraient renouer tranquillement avec 1924, l’année fatale de l’ascension de Staline au pouvoir : Heri dicebamus ! (Comme nous disions hier… [4] De fait, on agite contre moi une catégorie dont le sens n’est jamais éclairci. Gramsci « justifie » le jacobinisme ; sur « il manifesto » et sur « Liberazione » on a parfois « justifié » la Révolution culturelle, qui aujourd’hui est souvent dépeinte dans les teintes les plus sombres : ce serait faire preuve de dogmatisme que d’attribuer, sans entrer au cœur des chapitres d’histoire discutés un par un, l’historicisme authentique à soi même et l’ « historicisme justificateur » et « mauvais » à ceux qui ne seraient pas d’accord ! Restent entiers les angoissants dilemmes moraux qui caractérisent les grandes crises historiques. Reprenant, en y souscrivant, la prévision de Boukharine, mon livre fait remarquer que la collectivisation des terres imposée d’en haut et de l’extérieur (et l’industrialisation à marche forcée qui va avec) provoque une gigantesque « nuit de la Saint Barthélemy ». Par ailleurs, cependant, une série d’éminents historiens réaffirme de nos jours la thèse formulée en son temps par le grand A. Toynbee, selon laquelle ce qui a rendu possibles Stalingrad et la défaite infligée à la barbarie nazie est le parcours accompli par l’URSS « de 1928 à 1941 ». Les dilemmes moraux ne se posent pas que pour la Russie de Staline. Nous voyons de quelle manière un éminent philosophe, M. Walzer, justifie (au moins dans leur phase initiale) les bombardements terroristes déclenchés par les anglo-étasuniens au cours de la seconde guerre mondiale : le danger de triomphe du Troisième Reich détermine une « urgence suprême », un « état de nécessité » ; et bien, il convient de prendre acte du fait que « la nécessité ne connaît pas de règles ». Certes, des bombardements qui ont pour but de tuer et terroriser la population civile sont un crime, et pourtant : « J’ose dire que notre histoire serait effacée et notre avenir compromis, si je n’acceptais pas d’assumer le poids de la criminalité ici et maintenant » ; les dirigeants d’un pays « peuvent se sacrifier eux-mêmes dans le but de défendre la loi morale, mais ils ne peuvent pas sacrifier leurs propres concitoyens ». Pourquoi, dans leur campagne contre l’ « historicisme justificateur » et « mauvais », mes critiques ne s’en prennent-ils pas en premier lieu au philosophe étasunien ?

Cet article est disponible dans l’édition de dimanche 19 avril de il manifesto Traduction M-A Patrizio

[1] Ancienne co-directrice de Liberazione, ex-député, ex-PRC, fait partie aujourd’hui de la tendance qui, autour de Nicky Vendola, a fondé un nouveau parti « de gauche » en préconisant d’enlever le mot « communiste ». (Les notes sont de la traductrice)

[2]« Au contraire de la collectivisation de l’agriculture et de l’industrialisation à étapes forcées, le massacre des officiers polonais, décidé par le groupe dirigeant soviétique et réalisé à Katyn en mars-avril 1940, est un crime en soi. (…). La situation était devenue assez difficile : le péril menaçait que l’URSS en tant que telle ne fut engloutie par la guerre, et les cercles occidentaux qui pensaient à un renversement du régime stalinien ne manquaient pas. C’est ce « grave problème de sécurité » qui fait précipiter l’ « horrible décision » (Roberts, 2006).(…) Mais même s’il est injustifiable, le crime dont nous nous occupons à présent ne renvoie pas à des caractéristiques particulières de la personnalité de Staline. Qu’on pense au crime dont s’entache le général étasunien Patton quand, débarquant en Sicile, il ordonne de tuer des soldats italiens qui, après une dure résistance, se rendent. S’il s’agit ici d’une infamie de dimensions plus réduites, il faut cependant garder à l’esprit que ce n’est pas une préoccupation pour la sécurité du pays qui l’a provoquée, mais bien l’esprit de vengeance ou peut-être même le mépris racial. C’est-à-dire qu’il s’agit dans ce cas d’un délit pour des motifs abjects ».Losurdo, p. 259. Stalin, storia e leggenda di una leggenda nera )

[3]« La guerre de Corée est en cours. Du Nord sauvagement bombardé, une masse de réfugiés arrive au sud. Comment sont-ils accueillis ? « L’armée étasunienne avait comme politique de tuer les civils qui s’approchaient de la Corée du sud » : les victimes étaient « pour la plupart des femmes et des enfants » mais on craignait que ne soient infiltrés parmi eux des nord coréens, même si dans les enquêtes sur l’un des cas les plus informés (les tueries qui ont eu lieu à No Gun Ri), « aucune preuve d’ennemis infiltrés n’a été recueillie ».

[4]L’expression latine indique une façon d’évoquer la période comme si le temps écoulé n’était qu’un petit intervalle sans aucune importance

Image : Sir Thomas LAWRENCE (1769-1830), Satan et Belzébuth debout, de face, dominant des nuées enflammées, Paris, musée du Louvre, Département des Arts Graphiques

lundi 20 avril 2009

Unité des communistes en Italie...


Ce samedi 18 avril 4000 personnes s'étaient rassemblées Piazza Navona à Rome, pour écouter les leaders de de la liste communiste et anticapitaliste qui rassemble, sous un même emblème au couleur du drapeau rouge marqué de la faucille et du marteau, les candidats de Rifondazione comunista (Prc), du parti des communistes italiens (Pdci), ainsi que de socialismo 2000 et des "Consommateurs unis".
Cette liste marque les retrouvailles des deux partis communistes rivaux. Pour une part, si cela correspond à une aspiration forte d'une grande partie de la base communiste (dans ou hors partis), malgré tout nécessité a fait loi. En effet, pour la première fois, un seuil électoral de 4% a été institué pour les européennes. Aller séparément c'était donc prendre le risque de voir, après l'assemblée nationale, les communistes italiens exclus du Parlement européen.
C'est cette nouvelle unité des communistes qui a entrainé une n-ième scission de Rifondazione comunista. Et cette fois c'est la plus grande partie de la minorité Bertinotienne qui , autour de Nicky Vendola, candidat malheureux au poste de secrétaire général lors du derniers congrès du Prc, mais aussi l'avant dernier secrétaire franco Giordano ainsi que l'ancien secrétaire charismatique et médiatique Fausto Bertinotti, a quitté le parti et fondé une nouvelle organisation: Il Movimento per la Sinistra.
Leur préférence allant à un rassemblement de toute la gauche dans une démarche de dépassement de l'identité strictement communiste, ils participent donc à la liste Sinistra e Libertà (gauche et liberté) qui rassemble, outre leur mouvement, les socialistes néo craxiens, issus du vieux Parti socialiste italien, Sinistra democratica (issus des DS ayant refusés de rejoindre le Parti démocrate), la fédération des Verts ainsi que d'une petite scission du Pdci (Unire la Sinistra).
Les sondages sont favorables à la liste communiste, créditée de 4,5 à 5% des suffrages, cependant que Sinistra e libertà reste en dessous du seuil électoral avec 2,5 à 3%.
Si ces scores marquent en tout cas une progression par rapport aux législatives et les résultats calamiteux de "la gauche Arc en ciel", ceux ci restent à un étiage bas. Plus largement c'est l'ensemble de la gauche et du centre gauche qui est en recul. Si le parti de l'ancien procureur Di Pietro, l'Italie des valeurs, se voit promettre un score honorable de 7,5%, le Parti démocrates semble promis un véritable désastre avec, comme prévision les plus optimiste, un score inférieur à 25%, soit 10 points de moins qu'aux élections législatives de l'an dernier.
Quand à la Droite, rassemblée dans le nouveau parti de la liberté autour de Silvio Berlusconi, elle progresse avec plus de 42 % et plus de 9% pour le parti raciste et xénophobe de la Ligue du Nord.
La droite semble plus forte que jamais. Il est à craindre que, plus que le score des communistes unis, cela soit le fait important des prochaines élections européennes.

Caius

mardi 7 avril 2009

près de 3 millions de manifestant à Rome à l'appel de la CGIL

Sous le mot d'ordre Futuro si, indietro no (le futur oui, non au retour en arrière), la CGIL, le premier syndicat italien, a rasssemblé samedi 4 avril, venant de toute l'Italie, sur le site du circo massimo à Rome, près de 3 millions de salariés, précaires, retraités, universitaires, étudiants et lycéens en lutte etc. 3 millions contre la politique du gouvernement Berlusconi, contre sa passivité face à la crise.

Alors que la droite semble triomphante, que Berlusconi parade dans son nouveau parti unique de la droite, que le Parti démocrate s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'insignifiance, le syndicalisme de classe restera-t-il la seule opposition significative dans le pays?

En tous cas savourons les images de cette manifestation et la marée de drapeaux rouges, frappés pour certains de la faucille et du marteau... sur l'air de Bella ciao par les Modena City Ramblers...

dimanche 5 avril 2009

Nicolas Sarkozy, la destruction de l’Université et le choléra mental du journal Le Monde

Publié par LGB, dans Le Grand Barnum

Quand Nicolas Sarkozy s’est lancé dans ce qu’il est convenu d’appeler la “réforme” des Universités, il a bien évidemment choisi de reprendre la méthode qui lui était déjà familière et qui avait fait ses preuves en termes de capacité de nuisance, de négation de la démocratie et de piétinement du pacte social.

Assisté d’une Dame Pécresse que sa totale méconnaissance du monde de la recherche et de l’enseignement supérieure qualifiait plus que tout autre pour cette tâche, Notre Président n’a donc pas montré la moindre hésitation.

Pour “réformer”, il fallait tout d’abord n’engager aucune consultation et s’empresser d’oublier ceux qui font tourner la boutique. Car dans ce pays, on ne “réforme” par une institution, on “réforme” contre elle.

Ensuite, il fallait désinformer. Pour salir. Salir l’institution elle-même, salir ceux qui y travaillent, salir ceux qui y étudient et s’y forment. On parviendrait ainsi à mettre en place l’unique levier de gouvernement employé dans ce pays depuis le grand malheur de mai 2007: désigner une catégorie de la population à la vindicte du bon peuple, lancer quelques sondages aux questions convenablement orientées et utiliser les beuglements des micros-trottoirs pour justifier la suppression, au choix, des archaïsmes, des privilèges, du bouclier fiscal, des rigidités, des paresses, des incompétences, des inutilités, des gaspillages…

Les chercheurs et les enseignants-chercheurs ont ainsi fourni une cible de choix. Paresseux, incompétents, semi-idiots, gauchistes, ils ne refusent évidemment la “réforme” que par pur corporatisme, par pur intérêt de classe, c’est un vrai scandale, voyez vous ça mère Michu, tout ce rebut de gauchistes pervers, qui ont le front d’être plus diplômés que vous et moi, et qu’on paie à ne rien faire…

On pouvait faire confiance au Grand Café du Commerce français pour répercuter cette vision fine et mesurée. Cracher sur les profs tout en en se tapant sur les cuisses, entre deux renvois biereux, trois invectives contre les sans-papiers et quatre déclarations définitives sur la crise et le PSG, voilà qui est plutôt en phase avec le niveau de subtilité philosophique et politique dans lequel plus d’une décennie de ramollissement chiraquien a fait tomber ce pays. Tendez le petit bout de la lorgnette à la France, elle se hâtera d’y regarder

La où la gêne devient réelle, c’est quand un journal qui se prétend “de référence” oublie que le journalisme consiste à aller enquêter pour éclairer ses lecteurs et en vient à considérer qu’informer équivaut à étudier le réel pour y découvrir, à la surprise de tous, la confirmation de la vision officielle et gouvernementale.

Dans un article navrant publié dans Le Monde daté d’aujourd’hui et intitulé “Les facs mobilisées voient leur image se dégrader“, trois journalistes (Christian Bonrepaux, Benoît Floc’h et Catherine Rollot) présentent ce qu’ils appellent une “enquête” menée dans trois facs mobilisées, Montpellier III, Rennes II et Toulouse-Le Mirail.

Lire lasuite de l'article sur leblog : Le grand Barnum