mardi 26 janvier 2010

La journée de la burqa


Un article d'Alain Gresh sur le blog : nouvelle d'Orient

On n’a pas encore instauré la journée de la jupe, journée que revendiquait Isabelle Adjani dans le film du même nom. En revanche, se multiplient les journées de la burqa qui permettent, enfin, de mobiliser la société pour une noble cause, celle des femmes opprimées. La prochaine journée d’indignation collective aura lieu mardi 26 janvier, quand la mission parlementaire sur le voile intégral remettra son rapport au président de l’Assemblée nationale.

Un article du Monde daté des 24-25 janvier, intitulé « Drôle d’attelage contre la burqa », signé de Stéphanie Le Bars et Patrick Roger et surtitré « L’un est communiste, l’autre très à droite », dresse le portrait des deux députés qui ont conduit les travaux, André Gérin, communiste, et Eric Raoult, UMP. En conclusion, M. Gérin défend « une fraternité d’armes : nous sommes tous les deux des soldats ». Face aux menaces contre l’identité nationale, l’union sacrée entre un député représentant les franges les plus à droite de l’UMP et un communiste paraît tellement naturelle. Nous sommes en guerre, et, contre l’ennemi de la nation, il faut nous unir. En 1914 déjà, la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) communiait avec la droite contre les « Boches » (pour ne pas dire les Allemands). Désormais, le combat contre les islamistes (pour ne pas dire les musulmans) appelle la même unanimité.

Ce qui n’empêche ni les déchirements, ni les débats entre groupes parlementaires, ou à l’intérieur même de ceux-ci : de petites querelles qui cachent surtout des ambitions personnelles et que l’on ne peut que regretter alors que la patrie est en danger. La mission d’information avait pourtant montré une grande mobilisation des députés, unanimes à dénoncer le danger islamiste, et Jean Glavany avait pu, lors de l’audition de Tariq Ramadan, dénoncer l’invitation même de ce personnage trouble qui venait témoigner : pas de liberté pour les ennemis de la liberté.

Certains feignent de ne pas comprendre. En 2004, la commission Stasi avait préconisé l’interdiction des signes religieux ET politiques dans les écoles, une manœuvre qui laissait croire que la neutralité de nos établissements scolaires était menacée par autre chose que par le foulard. La représentation nationale a justement rectifié le tir et interdit le foulard (enfin, « les signes religieux »...) Il suffit de suivre l’actualité : du Yémen à nos banlieues, de la burqa à l’Afghanistan, plane sur l’Occident une menace contre laquelle il faut lever l’étendard de la Croisade (et pendre, à l’occasion, tous les traîtres de l’intérieur, tous les complices des nouveaux nazis).

Il en va de nos libertés et surtout de celles des femmes. Car la femme française, comme ses congénères occidentales, est enfin libérée : elle a obtenu l’égalité des salaires, elle occupe la moitié des sièges à l’Assemblée nationale et au gouvernement, elle ne subit aucune violence conjugale et les hommes partagent, dans la joie, les tâches domestiques et l’éducation des enfants. Et toutes ces conquêtes sont menacées par un voile noir qui s’abat sur la France. Aux armes citoyens ! Mobilisons-nous dans l’unité, gauche et droite, contre ce péril vert (ou noir, au choix).

Le 26 janvier sera donc une « journée de la burqa ». Mais que l’on se rassure : ce ne sera pas la dernière. Et nous savons déjà que nous aurons à nous mobiliser encore. Après le foulard, les minarets suisses, la burqa, quel sera le prochain thème ? Il y en aura un, cela ne fait pas de doute, et nous en sommes rassurés, car tant de causes justes se présentent à nous et à nos soldats, tant de vies à sauver, de femmes à libérer, de régimes obscurantistes à détruire, de l’Afghanistan à l’Irak...

mercredi 13 janvier 2010

Nous exigeons la suppression du ministère de l'Identité nationale et de l'Immigration


Promesse électorale de Nicolas Sarkozy, la création d’un ministère chargé de l'Immigration et de "l'Identité nationale" a introduit dans notre pays un risque d'enfermement identitaire et d'exclusion dont on mesure, chaque jour depuis deux ans et demi, la profonde gravité. Très officiellement, des mots ont été introduits sur la scène publique, qui désignent et stigmatisent l'étranger – et par ricochet, quiconque a l'air étranger. Réfugiés et migrants, notamment originaires de Méditerranée et d'Afrique, et leurs descendants, sont séparés d'un «nous» national pas seulement imaginaire puisque ses frontières se redessinent sur les plans matériel, administratif et idéologique.

Qu'a fait naître ce ministère ? De nouveaux objectifs d'expulsion d'étrangers (27 000 par an), des rafles de sans-papiers, l'enfermement d'enfants dans des centres de rétention, le délit de solidarité, l'expulsion des exilés vers certains pays en guerre au mépris du droit d'asile, la multiplication des contrôles d'identité au faciès, enfin la naturalisation à la carte, préfecture par préfecture, qui rompt avec le principe d'égalité...

Dans cette fissure de la République se sont engouffrés nos dirigeants. Par des propos inadmissibles dans une démocratie, banalisés et désormais quotidiens, ils légitiment tous les comportements et les paroles de rejet, de violence, et de repli sur soi. Nous ne sommes pas ici face à des "dérapages" individuels. En réalité, ces propos sont la conséquence logique d'une politique que le gouvernement souhaite encore amplifier sous le couvert d'un "débat" sur l'identité nationale. Nous sommes ainsi appelés à devenir coauteurs et coresponsables du contrôle identitaire sur la France.

La circulaire ministérielle adressée aux préfectures pour encadrer le débat lance une interrogation : "Pourquoi la question de l'identité nationale génère-t-elle un malaise chez certains intellectuels, sociologues ou historiens ?" La réponse est simple. Nous ne pouvons pas accepter que le regard inquisiteur d'un pouvoir identitaire puisse planer, en s'autorisant de nous, sur la vie et les gestes de chacun.

C'est pourquoi il est temps aujourd'hui de réaffirmer publiquement, contre ce rapt nationaliste de l'idée de nation, les idéaux universalistes qui sont au fondement de notre République.

Nous appelons donc les habitants, les associations, les partis et les candidats aux futures élections à exiger avec nous la suppression de ce "Ministère de l'Identité nationale et de l'Immigration", car il met en danger la démocratie.

Signer l'appel : www.pourlasuppressionduministeredelidentitenationale.org

Les premiers signataires :
Michel Agier (anthropologue, EHESS et IRD), Etienne Balibar (philosophe, université Paris-X et university of California), Marie-Claude Blanc-Chaléard (historienne, université Paris-X), Luc Boltanski (sociologue, EHESS), Marcel Detienne (historien, EPHE et université Johns Hopkins), Eric Fassin (sociologue, ENS), Michel Feher (philosophe, Paris), Françoise Héritier (anthropologue, Collège de France), Daniel Kunth (astrophysicien, CNRS), Laurent Mucchielli (sociologue, CNRS), Pap Ndiaye (historien, EHESS), Gérard Noiriel (historien, EHESS), Mathieu Potte-Bonneville (philosophe, Collège international de philosophie), Richard Rechtman (psychiatre, Institut Marcel Rivière, CHS la Verrière), Serge Slama (juriste, université d’Evry), Emmanuel Terray (anthropologue, EHESS), Tzvetan Todorov (historien, CNRS), Paul Virilio (urbaniste, Ecole spéciale d’architecture de Paris), Sophie Wahnich (historienne, CNRS) et Patrick Weil (historien, CNRS)

Les premières organisations signataires :
- partis politiques : MoDem, NPA, PC, PG, PRG, PS, Verts
- associations : Amoureux au ban public, ARDHIS, ATTAC, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Association Cette France-là, CIMADE, COMEDE, CRAN, GISTI, La Bande Passante, LDH, MRAP, RESF, SOS Racisme, Sud Education, Union syndicale Solidaires

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