Affichage des articles dont le libellé est meditatio. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est meditatio. Afficher tous les articles

samedi 21 mars 2020

Après les barbares














J'allais errant à travers la cité dévastée ;
Devant le Capitole Jupiter gisaient sur le sol, brisé.

La cité se consumait.
Les Goths campaient sur le forum,
fondant l'or et l'argent des dieux
et le bronze qui recouvrait leurs temples.

Au loin, je voyais,
Les dernières lueurs rougeoyantes
de l'incendie qui illuminait la nuit.

Le temple d'Artémis brulait toujours !

Avant que le monde s'effondre,
J'étais prête et je servais la Déesse !
Je l'adorais.
Elle portait un carquois derrière l'épaule,
un arc dans ses deux mains, un croissant d'argent sur les cheveux.
Ma vie était à Elle.
Sur l'autel je répandais le sang des animaux
sacrifiés
et grillait sur le foyer leurs os craquants
Et leur graisse crépitante,
Pour Elle.

Et quand son astre enfin apparaissait
Chaque nuit dans mes rêves je m'unissais à la Déesse.
Elle volait par dessus ma couche
Je la laissais effleurer mon corps tendu et palpitant
Je me perdais en Elle.

Je ne rêve plus…
Elle a fuit au plus profond des bois,
et de l'âme des hommes.

Je vais errant entre les murs calcinés
sous le pâle éclat de la Lune,
et des dernières lueurs de la ville qui se consume.

Me voilà entre les colonnes bouleversées du temple d'Aphrodite.
Au milieu des gravas et des cendres
seuls les chiens et les corbeaux semblent rendre un hommage incertain
à celle qui naquit de l'écume.
Ses douces et blanches servantes
Qui hier encore offraient l'amour sacré aux fidèles exaltés
Ouvrent aujourd'hui leurs cuisses,
Dans le quartier du port,
Aux barbares et aux marins avinés.

Aphrodite et l'Amour ne sont plus
Artémis s'est enfuie désertant mes rêves et la cité ruinée
Les nymphes ne peuplent plus mes songes,
Leurs chants et leurs rires se sont tus.
Je ne rêve plus.

Mes Nuits sont glacées,
Tout est dévasté
Et je dois supporter tout le jours les odeurs rances des barbares

Ma Déesse, pourquoi m'as tu abandonné ?

Où sont les nymphes, et les bacchantes ? Pourquoi ne puis voir encore leurs doux visages, sentir leurs cheveux blonds flottant? où sont leur danses échevelées et la joie et le plaisir qui descendaient de l'Olympe derrières elles… Où sont mes songes divins et délicieux ?

Je garde à jamais la nostalgie des Déesses évanouies …

C. G. 29 septembre 2009, 7h30

jeudi 19 mars 2020

EN ATTENDANT LES BARBARES...

EN ATTENDANT LES BARBARES
Constantin Cavafy

"Qu’attendons-nous, rassemblés sur l’agora?
On dit que les Barbares seront là aujourd’hui.

Pourquoi cette léthargie, au Sénat?
Pourquoi les sénateurs restent-ils sans légiférer?

Parce que les Barbares seront là aujourd’hui.
À quoi bon faire des lois à présent?
Ce sont les Barbares qui bientôt les feront.

Pourquoi notre empereur s’est-il levé si tôt?
Pourquoi se tient-il devant la plus grande porte de la ville,
solennel, assis sur son trône, coiffé de sa couronne?

Parce que les Barbares seront là aujourd’hui
et que notre empereur attend d’accueillir
leur chef. Il a même préparé un parchemin
à lui remettre, où sont conférés
nombreux titres et nombreuses dignités.

Pourquoi nos deux consuls et nos préteurs sont-ils
sortis aujourd’hui, vêtus de leurs toges rouges et brodées?
Pourquoi ces bracelets sertis d’améthystes,
ces bagues où étincellent des émeraudes polies?
Pourquoi aujourd’hui ces cannes précieuses
finement ciselées d’or et d’argent?

Parce que les Barbares seront là aujourd’hui
et que pareilles choses éblouissent les Barbares.

Pourquoi nos habiles rhéteurs ne viennent-ils pas à l’ordinaire prononcer leurs discours et dire leurs mots?

Parce que les Barbares seront là aujourd’hui
et que l’éloquence et les harangues les ennuient.

Pourquoi ce trouble, cette subite
inquiétude? – Comme les visages sont graves!
Pourquoi places et rues si vite désertées?
Pourquoi chacun repart-il chez lui le visage soucieux?

Parce que la nuit est tombée et que les Barbares ne sont pas venus
et certains qui arrivent des frontières
disent qu’il n’y a plus de Barbares.

Mais alors, qu’allons-nous devenir sans les Barbares?
Ces gens étaient en somme une solution."

samedi 6 décembre 2008

J'achève en ce jour ma trente-sixième année par Lord Byron



Il est temps pour ce coeur de cesser d'être ému
S'il lui est désormais refusé d'émouvoir.
Pourtant, si je ne suis plus l'aimé,
Que j'aime encore !

Mes jours ont leur feuillage jauni,
Fleurs et fruits de l'amour ont passé;
Le ver, le chancre et la douleur
Sont pour moi seul !

Il a, ce feu qui ronge ma poitrine,
L' isolement d'une île volcanique;
Nulle torche ne s'allume à sa flamme
Bûcher funéraire !

L'espoir, la peur, le souci jaloux,
La part enivrante des peines
Et du pouvoir de l'amour me fuient,
Je garde les chaînes !

Mais ce n'est pas le lieu ni le moment
Que des pensées de la sorte m'assaillent
Quand la Gloire orne la bière
Ou ceint le front !

L'épée, l'étendard, et le champ de bataille,
La Gloire et la Grèce les voient autour de nous !
Étendu sur son bouclier, le Spartiate
Ne fut pas plus libre !

Un sursaut ( non de la Grèce, elle est debout !)
Un sursaut, oh mon âme ! Songe en qui
Ton flux vivant reconnaît sa source natale
Et n'hésite plus!

Étouffe en toi ces passions renaissantes,
Homme indigne. Que te laissent
Indifférent et le sourire et le dédain
De la Beauté!

Si tu as regret de ta jeunesse, à quoi bon vivre?
Le lieu de la mort valeureuse
Est ici. Au combat! Viens offrir
Ton dernier souffle!

Recherche, plus souvent rencontrée que voulue,
La tombe d'un guerrier; elle te convient.
Regarde alentour, choisis bien le terrain,
Et gagne ton repos !

Illustration : ODEVAERE, Joseph-Denis Lord Byron sur son lit de mort (v 1826) Groeninge Museum, Bruges

samedi 26 janvier 2008

LE PARADOXE ERRANT par Eduardo galeano

Chaque jour, en lisant les journaux, je suis un cours d’Histoire.
Les journaux m’instruisent avec ce qu’ils rapportent et avec ce qu’ils taisent.
L’Histoire est un paradoxe errant. La contradiction met ses jambes en mouvement. C’est peut-être pour cela que ses silences en disent plus long que ses paroles et, souvent, ses paroles révèlent, en mentant, la vérité.
Dans quelque temps paraîtra un livre que je viens d’écrire et qui a pour titre « Miroirs ». C’est en quelque sorte une Histoire Universelle, pardonnez mon audace. « Je peux résister à tout sauf à la tentation » a dit Oscar Wilde et j’avoue avoir succombé à la tentation de raconter quelques épisodes de l’aventure humaine dans ce monde du point de vue de ceux qui ne sont pas sur la photo.
Pour ainsi dire il s’agit de faits fort peu connus.
Je vous en résume quelques uns, juste quelques uns.
(...)
La reine Victoria, cette reine narcotrafiquante, avait imposé l’opium à coups de canon. La Chine fut transformée en une nation de drogués au nom de la liberté, de la liberté du commerce.
(...)
El Aleijadinho, l’homme le plus laid du Brésil, créa les plus belles sculptures de l’ère coloniale américaine.
Le livre des voyages de Marc Polo, aventure de la liberté, fut écrit dans la prison de Gènes.
Don Quichotte de la Manche, cette autre aventure de la liberté, est né dans une prison de Séville.
Ils étaient petits-fils d’esclaves, ces noirs qui inventèrent le jazz, la plus libre des musiques.
Un des plus grands guitaristes de jazz, le gitan Django Reinhardt, n’avait que deux doigts à sa main gauche.
Le grand maître de la cuisine française, Grimod de la Reynière, n’avait pas de mains. C’est avec deux crochets qu’il écrivait, qu’il cuisinait et qu’il mangeait.

Pour lire ce texte en entier de ce grand poête qu'est Eduardo Galeano vous pouvez passer sur le blog de Michel Collon

illustration :
Antônio Francisco Lisboa dit Aleijadinho (1738-1814) Christ en croix bois peint

mercredi 26 décembre 2007

Calomnies...

"La calomnie est comme la guêpe qui vous importune et contre laquelle il ne faut faire aucun mouvement, à moins qu’on ne soit sûr de la tuer, sans quoi elle revient à la charge, plus furieuse que jamais". Nicolas de Chamfort

et cadeau : la calomnie d'Apelle par Sandro Botticelli (un tableau ayant un thème similaire peint au début du 19ème siècle par Jean Broc se trouve sur ce blog...)



vendredi 23 novembre 2007

Ivan Tourgueniev — Poèmes en prose : Nymphes

Je me tenais immobile, face à une chaîne de montagnes splendides, disposées en demi-cercle ; une forêt jeune et verte les couvrait de haut en bas.

Au-dessus de ma tête, le ciel bleu du midi ; les rayons du soleil se jouaient au zénith ; en bas, les ruisselets s'interpellaient allègrement, à moitié cachés sous l'herbe.

Et je me souvins de la légende d'un vaisseau grec qui voguait sur la mer Égée, au premier siècle après la Nativité.

Il était midi… Un temps calme. Et soudain, une voix proféra nettement juste au-dessus de la tête du pilote : — Quand tu passeras devant les îles, tu t'écrieras, bien haut : « Il est mort, le grand Pan ! »

Le pilote fut surpris…, et effrayé, mais lorsque le navire vogua au large des îles, il obéit et s'exclama :

« Il est mort, le grand Pan ! »

Et aussitôt, des gémissements, des cris, de longues plaintes s'élevèrent du rivage, pourtant inhabité :

« Il est mort ! Il est mort, le grand Pan ! »

Je me souviens de cette légende…, et une idée singulière me traversa l'esprit : « Si je lançais l'appel ? »

Mais il régnait autour de moi une telle allégresse qu'il était interdit d'invoquer la mort, aussi criai-je de toute la force de mes poumons :

« Le grand Pan est ressuscité ! »

Aussitôt — ô prodige ! — des rires juvéniles, des éclats de voix joyeux, toute une rumeur vibrante houla dans l'amphithéâtre des montagnes couronnées de verdure :

« Il est ressuscité ! Pan est ressuscité ! »

La nature entière parut s'animer, s'esclaffer, plus haut que le soleil, plus allègrement que les ruisseaux qui s'interpellaient sous l'herbe… Le bruit d'une course légère… La blancheur marmoréenne des tuniques secouées par la brise, le vif incarnat des corps dénudés, scintillant à travers la verdure… Des nymphes, des dryades et des bacchantes dévalaient les flancs des montagnes…

Elles apparurent, d'un seul coup, à toutes les lisières. Leurs cheveux flottaient sur leurs têtes divines ; leurs bras harmonieux levaient des couronnes de fleurs et des timbales, et le rire, le rire chatoyant de l'Olympe courait et roulait derrière elles…

Une déesse les précède. Elle est plus haute et plus belle que ses compagnes ; elle porte un carquois derrière l'épaule, un arc dans ses deux mains, un croissant d'argent sur les cheveux.

Diane, est-ce toi ?

Tout soudain, la déesse s'arrête, et les nymphes l'imitent. Les rires se taisent. Une pâleur mortelle envahit les joues de la divinité ; ses jambes se pétrifient ; une terreur sans nom entrouvre ses lèvres et élargit ses yeux, dirigés dans le lointain… Qu'a-t-elle vu ? Que regarde-t-elle ?

Je me retournai et prolongeai la ligne de son regard…

Tout au bord du ciel, au-delà de la lisière basse des terres, une croix d'or rougeoyait sur le clocher blanc d'une église chrétienne… Et la déesse l'avait aperçue.

J'entendis, derrière mon dos, un soupir inégal et prolongé, comme la vibration d'une corde qui se rompt… Quand je me retournai, il n'y avait plus trace de nymphes… Les arbres étaient aussi verts qu'avant et, seulement par endroits, des volutes blanches s'évanouissaient, à peine visibles à travers le réseau étroit des branches. Étaient-ce les tuniques des nymphes ou la buée qui s'élevait du fond de la vallée ?… Je l'ignore.

Mais j'ai tant regretté les déesses disparues !

Décembre 1878.

jeudi 21 juin 2007

Un matin...


"Il fallait qu'on ait calomnié Joseph K. : un matin, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté. La cuisinière de Madame Grubach, sa logeuse, ne lui apporta pas son petit déjeuner, comme elle le faisait tous les jours vers huit heures. Jamais ce n'était arrivé. K. attendit encore un moment et vit, de son oreiller, la vieille dame d'en face qui l'observait avec une curiosité tout à fait insolite. Puis, intrigué en même temps qu'affamé, il sonna. Aussitôt on frappa à la porte et un homme entra, que jamais K. n'avait vu dans cette maison. Svelte et pourtant bien bâti en force, il était sanglé dans un vêtement noir muni, comme les costumes de voyage, de toutes sortes de rabats, de poches, de brides, de boutons et d'une ceinture : sans qu'on sût bien à quoi cela pouvait servir, cela avait l'air extrêmement pratique."

samedi 16 juin 2007







- Comment t’appelles-tu voyageur ?

- Je me nomme Oedipe

Et tu penses aller loin sur cette voie ?

Je pense aller jusqu’à l’endroit où elle se termine.


Robert Desnos

mercredi 23 mai 2007

je demeurai longtemps errant dans Césarée...

La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n'aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu'il n'aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait un nom de princesse d'Orient sans avoir l'air de se considérer dans l'obligation d'avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien n'aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l'avait mal regardée. Il lui en demeurait une impression vague, générale, d'ennui et d'irritation. Il se demanda même pourquoi. C'était disproportionné. Plutôt petite, pâle, je crois... Qu'elle se fut appelée Jeanne ou Marie, il n'y aurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà bien ce qui l'irritait.
Il y avait un vers de Racine que ça lui remettait dans la tête, un vers qui l'avait hanté pendant la guerre, dans les tranchées, et plus tard démobilisé. Un vers qu'il ne trouvait même pas un beau vers, ou enfin dont la beauté lui semblait douteuse, inexplicable, mais qui l'avait obsédé, qui l'obsédait encore :
je demeurai longtemps errant dans Césarée...
louis Aragon, Aurélien

jeudi 3 mai 2007

Après la bataille...

Tout le monde ne parle que du débat entre Royal et Sarkozy (on pourra lire ce qu'en dit Osémy sur son blog)
Quel courage d'avoir écouté ce débat, j'avoue que je n'ai pas pu... (et puis il y avait la nouvelle Star sur M6...)

J'ai préféré continuer de lire "LTI La langue du 3ème Reich" de Victor klemperer lecture qui me paraissait particulièrement adéquate à ce moment...

Et après mon message sur Fantomas (pour qui, lui aussi, tout était possible) j'ai encore pensé à Desnos :

Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec les camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on refuse la possession aux hommes.

1938