lundi 10 août 2009

Que cache la Burqa?


Cette affaire de « burqa » est révélatrice de plusieurs symptômes.

Tout d’abord je voudrais relever le fait qu’encore une fois ce sont des hommes qui décident de comment les femmes doivent s’habiller, quel symbole ! Et on veut nous faire croire que c’est pour la défense des droits des femmes.

Je relève également que les 2 millions de femmes battues en France n’ont pas droit à tant d’honneurs dans le medias, et que d’une façon générale tout ce qui se passe entre les murs domestiques ou les graves discriminations contre les femmes à l’entreprises ne semblent pas susciter tant d’émoi. Et pour cause, elles sont cachées. Mais cachez donc cette « burqa » que je ne saurais voir…

Si l’on s’en tient à l’espace public, il faudrait, selon certains politiciens, pouvoir être reconnu en tout lieu et à tout moment. N’est-ce pas la définition de l’état policier ? Le pauvre Foucault doit se retourner dans sa tombe en voyant au sein de la « gauche » tant d’apôtres du panoptique.

J’aimerais aussi partir d’un vécu personnel en tant que femme et en tant qu’individu. Combien de fois n’ai-je pas souhaité me cacher à la face du monde à cause des regards et attentions nauséabonds dont j’ai fait l’objet de la part d’une certaine gent masculine (trop nombreuse hélas). Non, je ne parle pas de sourires amicaux ou de compliments galants mais d’attitudes induisant l’impression d’être un quart de viande dans une boucherie. Se voiler ce n’est certes pas une solution, mais cela pourrait apporter un certain répit passager. Franchement j’y ai souvent pensé, tout en n’étant pas musulmane et totalement athée.

En tant qu’individu, combien de fois n’ai-je pas voulu me soustraire aux multiples sollicitations dont nous faisons tous l’objets en permanence, aux cameras omniprésentes, aux contrôles en tout genre. L’anonymat est un crime dans une société marchande où à tout moment on doit pouvoir vous pister, vous observer, étudier votre comportement de consommateurs potentiel, surveiller votre attitude, (ne seriez-vous pas un terroriste ?).

Que dire de celui qui oserait la non-conformité ? Non je ne parle pas du gothique en vadrouille ou du fan des mangas, je parle bel et bien de celui qui voudrait ne pas se soumettre aux comportements dictés par la société divisée en genres bien précis et stéréotypes et en classes sociales tout autant codifiées, ou qui tout simplement voudrait, du moins par moments, qu’on ne lui adresse pas la parole.

Mais venons-en maintenant à la prétendue menace que le voile d’abord, puis la « burqa » feraient peser sur nos sociétés.

Je me souviens d’un épisode d’une jeune élève d’une classe ou j’enseignais qui portait une sorte de turban sur la tête. Etant obligée de respecter les circulaires je lui ai dit de l’ôter, la classe en cœur s’est exclamée « mais elle est chrétienne !». Voilà que nos chères têtes blondes, pardon métisses ont très bien compris de quoi cela retourne en fait, à savoir d’une mesure anti-musulmane. J’ai répondu que ce n’était pas mon problème et que je n’avais pas à connaître sa religion. La jeune fille continuait néanmoins à venir avec son turban sur la tête et moi j’étais obligée de lui demander de l’enlever.

Au fil du temps j’ai découvert que la jeune fille tenait tant à porter cet accoutrement sur la tête par honte de montrer ces cheveux crépus, signe distinctif d’une fille d’immigrés. Conditions d’infériorité et de stigmatisation qui la faisaient particulièrement souffrir. Ainsi on se cache également vis-à-vis d’une société où la transgression à la norme blanche est une blessure que l‘on essaye d’effacer par un bout de tissu.

Cela me fait penser au film « pain et chocolat » où Nino Manfredi, immigré italien dans la Suisse des années ‘70, se teignait les cheveux et la moustache en blond platine pour effacer ses origines inavouables.

Il faut donc constater que, non seulement toute contestation de la société telle qu’elle est doit être poursuivie et condamnée, quelle qu’en soient les formes et les auteurs. Que la volonté, même individuelle, de se soustraire à cet ordre mortifère doit être punie. Cela ne suffit pas, même des tentatives de se protéger contre les stigmates dont on fait l’objet doivent être interdites.

Puis du voile on est passé à la « burqa », qui n’en est pas une puisqu’il s’agit du voile intégral, mais cela sent bon la justification de la guerre d’Afghanistan.

Des hordes de femmes en voile intégral menaceraient-elles la République ? Personnellement ce qui me semble très dangereux c’est le contrôle continu au faciès dont sont victimes les immigrés anciens et nouveaux de notre beau pays. A-t-on une idée de la colère ( et je pèse mes mots ) qu’une telle violence peut engendrer ? Les discriminations croissantes, la crise, la pauvreté, voilà ce qui menace la société et qui peut créer des conflits et des formes de violence. A propos pourquoi n’inclut-on pas la violence au travail dans les statistiques de trouble à l’ordre public ? Mystère…

Ah mais la « burqua » ! C’est tellement plus facile de s’en prendre à quelque femmes, rares et isolées.

Mais alors il faut se demander, quelle mouche à piqué Gérin ou d’autres responsables de la « gauche » ? Et quelles conséquences cette affaire risque-t-elle d’avoir dans la société ?

Tout d’abord j’y vois un aveuglement dangereux, ou un tout aussi dangereux opportunisme de la part de ceux qui ne sachant pas, ou ne voulant pas s’attaquer aux problèmes réels font diversion par la création d’un ennemi. Vous rappelez-vous la légende des femmes voilées qui pendant la guerre d’Algérie étaient toutes soupçonnées d’être des poseuses de bombes ?

Sur les conséquences cela est très clair. Mon compatriote Manzoni raconte une histoire dans son ouvrage « histoire de la colonne infâme ». Deux pauvres touristes français en visite en Italie par temps de peste eurent la mauvaise idée de toucher une colonne romaine pour sentir de leurs doigts le beau grain du marbre. Dans l’affolement général d’une épidémie que personne ne savait combattre, on avait lancé la rumeur selon laquelle des « gens » allaient « oindre » les lieux publics pour propager la peste. Les pauvres touristes français furent accusés car ces étrangers avaient tâté un monument public. Ce ne pouvaient être que des « untori » ( des propagateurs de la peste ). Ils furent livrés à la vindicte populaire et lynchés sur place....


Cornelia


Photographie : "La Sophocléenne" femme drapée et voilée dans un himation. Tanagra (Vers 330 - 300 avant J.-C) Musée du Louvre.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Votre réaction sensible me touche, par ces temps d'intolérance où tous ceux qui ne hurlent pas avec la meute des bien-pensants se voient taxer d'islamo-gauchisme. Merci.
Comme vous, je suis femme et athée.