samedi 19 mars 2011

Avant qu’il ne soit trop tard par Angelo del Boca[1]



Il Manifesto édition du 19 mars 2011

Sortons de l’alternative entre le tyran libyen qui doit quitter la scène et les bombardiers « humanitaires » de l’OTAN. Disons clairement ce qui se passe. La décision du Conseil de Sécurité de l’ONU, prise avec cinq abstentions et dix voix en faveur – sous la pression de la France et de la Grande Bretagne, qui revient ainsi au Moyen Orient, et à la fin, des Etats-Unis récalcitrants – c’est une intervention militaire. Il ne doit pas y avoir de doute. Même si elle est camouflée encore une fois comme une intervention humanitaire visant à « protéger les civiles » et même si on exclut, pour l’instant, l’occupation au sol. La no-fly zone, en effet, décidé sans aucun rapport avec Tripoli, doit pour cela être imposée par les bombardements.

Dans ces occasions on préfère dire qu’on visera des objectifs ciblés et « chirurgicaux ». Créant ainsi la possibilité de nouveaux massacres de civils comme cela s’est passé en Irak et en Afghanistan, comme nous l’avons vu dans les Balkans. Nous possédons une somme infinie de preuves de cet énorme mensonge. Pourtant depuis la Russie et l’Allemagne, pays qui se sont abstenus au Palais de verre, c’est cette préoccupation qui a été exprimée, par l’insertion à la dernière minute de la nécessité, avant, d’une déclaration de cessé le feu pour les deux parties en conflit. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui l’Allemagne motive son refus de la no-fly zone par les « risques et périls considérables » que cela comporte.

Risques et périls confirmés du reste par le fait que, à peine le cessez le feu avait été accepté par Tripoli ont a immédiatement crié au « bluff ». Mais nous ne devons pas non plus passer sous silence la nécessité que Kadhafi sorte véritablement de scène, lui, son régime qui dure depuis trop longtemps et qui de toute façon est tombé en morceau, ses délires de toute puissance et ses responsabilités par rapport à la dégénérescence de la crise.

De ce point de vue tout était encore sur la table il y a encore dix jours. Dans les sièges des organismes internationaux la possibilité d’un exil avait été envisagée, pour Kadhafi et sa famille avec un sauve conduit vers un pays neutre. Mais sur l’insistance des Etats-Unis, qui pourtant ne reconnaissent pas la Cour pénale internationale, il a été proposé avec insistance de le déférer devant ce tribunal pour des « crimes de guerres » qui restent encore à prouver. Et cela malgré l’insistance de Fogh Rasmussen, le secrétaire de l’Otan - qui s’y connaît en victimes civiles – à les dénoncer. Des crimes qui, en même temps que l’excès de propagande, ont eu lieu et doivent être punis. Mais qui, même pour le procureur de la cour Pénale, Moreno Ocampo, concernent « toutes les parties belligérantes ». Ainsi la possibilité que Kadhafi sorte définitivement de la scène a été perdue. Maintenant tout semble fini dans un cul de sac. Sans autre possibilité que celle d’un bain de sang. Car au point où en sont les choses, il semble que le seul objectif resté est celui de l’attaque militaire avec les bombardements aériens. En oubliant que certains des appareils qui sont en train de bombarder et tuer les civils et les rebelles en Libye sont les mêmes jets français vendus à Kadhafi précisément par Sarkozy, après une cour assidue visant à lui vendre des avions létals et parmi les plus chers du monde. Il ya enfin l’ambigüité du gouvernement Italien. Il ya dix jours encore, alliés acharnés de Kadhafi, auquel il demandait de « contenir » l’immigration du Maghreb en expédiant dans de nouveaux camps de concentration les désespérés fuyant la misère de l’Afrique, et devenus maintenant une plate forme de lancement de raids aériens et du blocus naval et militaire. Et ce n’est peut être même pas seulement une base car le « Dannuzien »[2] ministre de la défense, Ignazio La Russa revendique aussi pour les jets italiens le « droit » de bombarder.

Je me demande si l’Italie sur le plan historique se sent en condition de répéter 60 ans après l’événement du colonialisme une attaque militaire contre un pays dans lequel il a déjà provoqué la mort de 100 000 personne, un huitième de la population libyenne. Je me demande si nous nous arrogeons vraiment cette responsabilité. Pour la mémoire il faut dire non. Mais aussi pour le présent. Quel triste épilogue serait en fait pour les printemps du monde arabe que le signal donné soit celui du sang et de la répression militaire, comme cela se passe au Yémen, comme cela c’est passé dans le silence général ces derniers jours au Bahreïn où ces mêmes pays du Golfe, fauteur maintenant de la no-fly zone sur la Libye, sont intervenus militairement à Manama pour soutenir le « Kadhafi » local. Ces heures-ci, jusqu’au bout, il y a encore de l’espace pour la médiation de paix. La voie est celle du cessez le feu, comme cela semble émerger aussi des paroles du présidents Barak Obama, aux prises maintenant avec un autre conflit armé qui pue trop le pétrole, et également la voie de l’intervention des observateurs de l’ONU sur le terrain, qui s’interpose et défende les vies humaines. Autrement ce qui vole ce ne sera que la guerre.


Article traduit par L. A


[1] Ancien Résistant et grand historien du colonialisme fasciste italien, auteur de nombreux ouvrages dont en

particulier Italiani brava gente? et La storia Negata en cour de traduction en français pour les éditions Delga.

[2] NDT référence au poète Gabriele D’Annunzio, qui après la fin de la première guerre mondiale mena un coup

de force nationaliste et irrédentiste contre la ville yougoslave de Rijeka (Fiume en italien).

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