dimanche 2 décembre 2007

Catherine Sagna : Exercices spirituels

Ascèse sensuelle d'après Loyola

Des mains, des mains, et encore des mains ! C'est bien simple, on ne voit qu'elles dans le spectacle Exercices spirituels, chorégraphié et dansé par Caterina Sagna, d'après Ignace de Loyola (1491-1556), le fondateur de la Compagnie de Jésus.

Dix ans après sa création, on conserve un vif souvenir de ce solo hypnotique. C'était au Théâtre de la Bastille, à Paris. Après avoir recréé la pièce au festival Instances de Chalon-sur-Saône, le 22 novembre, la chorégraphe italienne (aujourd'hui installée à Rennes) est de retour sur le même plateau parisien pour une reprise exceptionnelle de cet exercice d'ascèse qui va jusqu'à faire croire à la disparition de l'interprète.


Illusionnisme ? Non. Ces Exercices spirituels sont très concrets, sensuels même. Caterina Sagna réussit à déplacer le propos d'Ignace de Loyola vers la danse, par la répétition lancinante de mouvements des bras et des mains. Jaillissants d'une longue robe noire, ses poignets joints se tournent et retournent, libérant les mains comme des fleurs ou des coquillages. A force d'insistance, la danse glisse vers une possession douce qui purge le corps autant que l'esprit.

LE POUVOIR DU MOUVEMENT

En se fixant d'abord sur les mains, puis sur le buste oscillant d'avant en arrière, Caterina Sagna touche les zones clés de l'extase, qu'elle soit mystique ou pas. Elle trouve des accords rythmiques nouveaux pour un dépouillement graduel qui ne va pas sans dérive douloureuse. Oser se confronter au jésuite ressemblait à une gageure. Réussir à en extraire une mécanique chorégraphique aussi puissante et en même temps presque économe est un exploit. Les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola peuvent se lire comme une recherche active sur soi.

Cette tentative d'éclaircissement pose ces Exercices spirituels, le plus souvent interprétés dans le silence, au croisement de la discipline intime et du spectaculaire. Grave et vibrant, ce solo ressemble à un test vital pour la chorégraphe sur le pouvoir du mouvement, sa capacité à évoquer l'immatériel, mais aussi sur son propre talent à incarner une transe aussi subtile.

La danse peut-elle devenir un moteur de méditation ? Avec Caterina Sagna, oui. Au point qu'à la fin de la pièce son évanouissement dans des rideaux a tout d'une évidence. La pratiquante est réduite en fumée par son obsession. Hallucination ou miracle ? Illumination.

"Exercices spirituels", de et avec Caterina Sagna. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, Paris-11e. Mo Bastille. A 21 heures. Du 28 novembre au 6 décembre. Transgedy, solo chorégraphié par Caterina Sagna pour Alessandro Bernardeschi. Tél. : 01-43-57-42-14.

Rosita Boisseau
Article paru dans l'édition du Monde du 29.11.07.

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