mercredi 18 juin 2008

Italie : le porte avion de l'Otan

"Une frustration rassurante" est la passion dominante en Italie, selon Giorgio Agamben. C’est le sentiment qu’éprouve qui a été exproprié de ses capacités d’expression , c’est l’impulsion de ceux qui "n’ont plus rien pour s’en sortir", et se confient au silence face à l’intolérable”. En Italie ce qui est devenu intolérable c'est le consensus face à cette réduction au silence, la calme acceptation du vide de mots d’un peuple entier face à son propre destin. Il n’ y a aucun doute qu’à ce sentiment ont grandement contribué le désenchantement des élites, la faiblesse de l’opposition politique, le bruit des médias, la “narcotisation” d’un corps social submergé par une communication nébuleuse, truquée, prépotente."

Giuseppe d’Avanzo écrit ces lignes sur La Repubblica d’aujourd’hui, et en même temps la presse commente le désastre électoral de la “gauche" aux élections administratives siciliennes d’avant-hier.(qui s’ajoutent à la débâcle des législatives de la mi-avril). Ainsi dans la torpeur généralisée qui vient d’être évoquée et avec la majorité absolue des voix pour la coalition berlusconienne, la Sicille, ou bien certains siciliens, pourront dormir des sommeils tranquilles. On peut supposer qu’aucune opposition bruyante ne viendra troubler la Cosa Nostra ou les installations militaires de Sigonella.
L. A.

Sigonella, l’OTAN Nato double

Manlio Dinucci Il Manifesto 18 juin 2008, (traduit par L. A. )

Le ministre de la Défense Ignazio La Russa a demandé au secrétaire à la défense Robert Gates le soutien étasunien pour la candidature de Sigonella (en Sicile ndt) comme base du nouveau système OTAN de surveillance Ags (Alliance Ground Surveillance), qui devrait devenir opérationnel très prochainement . «La candidature de l'Italie représente un fait très grave», a dénoncé Silvana Pisa, membre de la commission Défense du Sénat pendant le gouvernement Prodi, en oubliant que la base de Sigonella avait été mise à disposition par ce même gouvernement. L'accord pour la création de ce système a été souscrit par le gouvernement Berlusconi en novembre 2002, avec les Usa, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne. Il a donc été construit un «consortium transatlantique» d’industries militaires, comprenant la Northrop Grumman, General Dynamics, Eads, Thales et Galileo Avionica, qui en 2005 a reçu un premier contrat du montant de 23 millions d’euro. Seulement un petit accompte: l’OTAN elle-même le définit comme «l’ un des programmes d’acquisition les plus coûteux entrepris par l'Alliance». Il comporte une dépense d’au moins 4 milliards d’ euros. D’autres engagements ont été pris pour le compte de l'Italie par le gouvernement Prodi, pendant la réunion des directeurs des armements des pays de l’ OTAN en octobre 2006.


Qu’est-ce que l'Ags? Selon les agences de presse ce serait «un système intégré pour la surveillance du territoire des 26 Etats-membres de l’OTAN». Une banale mais fourvoyante faute de traduction. Le système servira à surveiller, non pas le territoire des pays de l’OTAN mais, comme l’explique un communiqué officiel, à surveiller le «territoire», et à fournir aux «planificateurs militaires» d’importants informations «avant et pendant les opérations de l’Otan» dans d’autres pays. Il s’agit donc d’un système destiné non pas à la défense du territoire de l'Alliance, mais au renforcement de sa capacité offensive «hors zone». Il sera «un instrument-clé pour rendre plus incisive la Force de riposte de l’OTAN (Nrf)». La Nrf, constituée en octobre 2003 (pendant le gouvernement Berlusconi) est devenue opérationnelle en juin 2006 (pendant le gouvernement Prodi). Elle est capable d’agir dans les cinq jours «pour toute mission dans n’importe quelle partie du monde». L'Italie y participe avec le Commandement de Solbiate Olona (Varese), «toujours disponible pour des interventions multinationales dans des zones de crise», tant avec des unitées terrestres, que navales et aériennes. Le système Ags permettra à la Force de riposte de l’OTAN d’ avoir un cadre détaillé de la dislocation des troupes ennemies, pour pouvoir les frapper, et également pour «identifier et viser des véhicules en mouvement». Cela sera rendu possible par les diverses plate-formes aériennes et les stations de contrôle terrestres. Les premières consisterons en des avions-radar (Airbus A 321 modifiés) et des avions sans pilote Block 40 Global Hawk de la Northrop Grumman étasunienne: ces derniers, guidés à distance, sont capables de voler pendant 35 heures à plus de 18 mille mètres d’altitude en transmettant, au commandement les données récoltées sur place. Les stations terrestres seront aussi bien fixes que mobiles, donc capables d’être transférées dans les théâtres d’opération lointains. Lorsqu’il à demandé à Gates que le système Ags soit installé à Sigonella, le ministre La Russa a dit que cette base est la plus adaptée tant «par son efficacité, que de tout autre point de vue ». Il n’y a pas de doute : la confirmation vient du fait que le Pentagone, une fois la guerre froide terminé l’a renforcée ultérieurement. Comme le souligne le commandement, l'importance de cette base, «stratégiquement située au milieu de la Méditerranée», a augmenté au fur et à mesure des «des changements politiques sont survenus au sein des régions méditerranéennes et moyen-orientales ». Dans ce cadre, en 2005, toujours à Sigonella, a été installé le “Fleet and Industrial Supply Center (Fisc)”, centre logistique des forces navales du Commandement européen des Etats Unis, dont la mission et de «promouvoir les intérêts étatsuniens en Europe, Afrique et Moyen Orient». Toujours à Sigonella a été installé le système de transmission Gbs, l’un des plus importants des forces armées américaines, auquel va s’ajouter le Muos, le nouveau système global de communications de la marine Usa. En 2007 l'aéronautique Usa a annoncé qu’elle entend positionner à Sigonella au moins 5 Global Hawks. S’y ajouterons les «faucons» du système Ags, qui permettrons à l’Otan de déployer ces forces «pour toute mission dans n’importe quelle partie du monde».

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