lundi 1 décembre 2008

Développement et progrès


Les mots semblant perdre leur sens même pour les communistes ceux-ci dans leur texte proposent un "nouveau mode de développement"...
Ce mot de "développement est -il neutre? Lors de mon congrès de section un camarde italien a évoqué des belles pages de Pasolini qui caractérisent "développement" et "progrès".
Les voici :

"Deux mots reviennent fréquemment dans les conversations, ce sont même les mots clefs des conversations. Il s'agit de "développement" et de "progrès". Deux synonymes ? Ou, sinon, deux mots qui indiquent des moments différents d'un même phénomène ? Ou en désignent-ils deux phénomènes différents qui pourtant s'intègrent nécessairement ? Ou, encore, désignent-ils deux phénomènes seulement partiellement analogues et synchroniques ? Il faut absolument éclaircir le sens de ces deux mots et leurs rapports, si nous voulons nous comprendre dans une discussion qui concerne de très près notre vie quotidienne et physique.

Voyons : le mot "développement" a aujourd'hui tout un réseau de références qui concerne un contexte indubitablement de "droite".

Qui veut en effet le "développement" ? Je veux dire, qui le veut de façon non pas abstraite et idéale, mais concrètement et pour des raisons d'intérêt économique immédiat ? C'est évident : ce sont ceux qui produisent qui veulent ce "développement-là" ; les industriels. Et puisque le "développement" en Italie est ce développement, ce sont, en l'espèce, et pour être précis, les industriels qui produisent les biens superflus. La technologie (application de la science) a créé la possibilité d'une industrialisation pratiquement illimitée et dont les caractères sont déjà concrètement transnationaux. Les consommateurs de biens superflus sont, pour leur part, irrationnellement et inconsciemment d'accord pour vouloir le "développement" (ce "développement"). Pour eux, il signifie promotion sociale et libération, avec pour conséquence l'abjuration des valeurs culturelles qui leur avaient fourni les modèles du "pauvre", du "travailleur",de I`"épargnant", du "soldat", du "croyant". La "masse" est donc pour le "développement" : mais elle ne vit cette idéologie qu'existentiellement, et c'est existentiellement qu'elle est porteuse des valeurs nouvelles de la consommation. Cela n'empêche pas son choix d'être décisif, triomphaliste et violent.

Qui, par contre, veut le "progrès" ? Ceux qui n'ont pas d'intérêts immédiats à satisfaire à travers le "progrès" : les ouvriers, les paysans, les intellectuels de gauche. Le veulent ceux qui travaillent, et qui sont donc exploités. Quand je dis "le veulent", je le dis dans un sens authentique et total (il peut aussi y avoir quelques "producteurs" qui veuillent, qui sait, sincèrement, le progrès : mais leur cas ne fait pas loi). Le "progrès" est donc une notion idéale (sociale et politique), alors que le "développement" est un fait pragmatique et économique.

C'est maintenant cette dissociation qui nécessite un "synchronisme" entre "développement" et "progrès", étant donné qu'un vrai progrès n'est pas (à ce qu'il semble) concevable sans l'apparition des prémisses économiques nécessaires à son actualisation. Quel a été le mot d'ordre de Lénine dès la victoire de la révolution ? Cela a été un mot d'ordre invitant à l'immédiat et grandiose "développement" d'un pays sous-développé. Soviet et industrie électrique.., Maintenant qu'était gagnée la grande lutte des classes pour le "progrès", il fallait en gagner une autre, sans doute plus obscure, mais pas moins grandiose, pour le "développement". Mais je voudrais ajouter - non sans hésitation - que cela n'est pas une condition nécessaire pour appliquer le marxisme révolutionnaire et réaliser une société communiste. L'industrie et I'industrialisation, ce ne sont ni Marx, ni Lénine, qui les ont inventées : c'est la bourgeoisie. Industrialiser un pays communiste paysan signifie entrer en compétition avec les pays bourgeois déjà industrialisés. Et c'est ce que, en l'espèce, a fait Staline, Et, du reste, il n'avait pas le choix.

Donc : la droite veut le "développement", (pour la simple raison qu'elle je fait) ; la gauche veut le "progrès".

Mais quand la gauche remporte la lutte pour le pouvoir, voilà qu'elle aussi veut - pour pouvoir réellement progresser d'un point de vue social et politique - le "développement". Mais un "développement", dont la configuration est désormais formée et fixée dans le contexte de l'industrialisation bourgeoise. Toutefois, ici, en Italie, le cas est historiquement différent. Aucune révolution n'a vaincu. Ici, la gauche qui veut le "progrès", si elle accepte le "développement", c'est ce "développement" qu'elle doit accepter : le développement de l'expansion économique et technologique bourgeoise.

Est-ce une contradiction ? Un choix qui pose un cas de conscience ? Probablement. Mais il s'agit du moins d'un problème qu'il faut se poser clairement : c'est-à-dire sans jamais confondre, pas même pendant un instant, l'idée de "progrès" avec la réalité de ce "développement". En ce qui concerne la base de la gauche (disons même la base électorale, pour parler de millions de citoyens), la situation est la suivante : un travailleur vit dans sa conscience l'idéologie marxiste et par conséquent, parmi d'autres valeurs, il vit dans sa conscience l'idée de "progrès" ; mais, dans le même temps, il vit dans son existence l'idéologie de la consommation et par conséquent, a fortiori, les valeurs du "développement". Le travailleur est donc dissocié de lui-même. mais ce n'est pas le seul. [...]"
Pasolini dans "Ecrits corsaire"

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